Programme de salle Seul ce qui brûle

    Seul ce qui brûle
    d’après le roman de Christiane Singer
    mise en scène Julie Delille

    Du 9 au 25 mars 2022

    Du lundi au vendredi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 15h30
    Relâche le mardi
    Durée : 1h40 — SALLE MEHMET ULUSOY

    AVEC
    Laurent Desponds
    Lyn Thibault

    ADAPTATION Chantal de La Coste, Julie Delille
    SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES Chantal de La Coste
    LUMIÈRE Elsa Revol
    SON Julien Lepreux
    ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE  Alix Fournier-Pittaluga
    Le décor a été réalisé par les Ateliers de construction de la maisondelaculture, scène nationale de Bourges.
    Seul ce qui brûle est publié aux éditions Albin Michel.

    Production Théâtre des trois Parques.

    Coproduction maisondelaculture, scène nationale de Bourges ; Équinoxe, scène nationale de Châteauroux ; Théâtre de l’Union, centre dramatique national de Limoge ; Théâtre de Chartres ; Gallia Théâtre, Saintes ; Printemps des comédiens, Montpellier ; Centre dramatique national d’Orléans.
    Avec le soutien du Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence ; l’Abbaye de Noirlac, centre culturel de rencontre ; du CENTQUATRE, Paris ; l’Onda – Office national de diffusion artistique.
    Ce spectacle bénéficie de la convention pour le soutien à la diffusion des compagnies de la Région Centre-Val de Loire signée par l’Onda, la Région Centre-Val de Loire et Scène O Centre.
    Le Théâtre des trois Parques est conventionné par le ministère de la Culture (DRAC Centre-Val de Loire) et la Région Centre-Val de Loire et soutenu par le Département du Cher.

    Entretien avec Julie Delille

    Comment choisissez-vous les textes que vous mettez en scène ?
    Je ne pars pas d’une idée ou d’un sujet mais d’œuvres dont la langue résonne en moi comme un chant et me dit des choses qui m’élèvent et me rendent plus vivante. C’est presque vibratoire et un peu mystérieux. Je me vois plus comme une passeuse d’œuvre que comme une créatrice. 

    Seul ce qui brûle est le dernier roman de Christiane Singer qui était aussi essayiste et menait un travail d’accompagnement par le soin. Je crois qu’inconsciemment elle a mis dans ce roman toutes les étapes de son cheminement de pensée, spirituelle et philosophique. Ce qui m’intéresse, c’est tout ce qui n’est pas dit, entre les mots. J’ai eu un pressentiment très fort, à la lecture, d’un terme et d’une notion qui n’étaient pas dans le texte édité mais qui se trouvaient dans une version antérieure : celui de miséricorde. À partir de cette révélation-là, j’ai senti que le contact avec l’œuvre était suffisant pour pouvoir m’en emparer.

    La miséricorde dont vous parlez est-elle liée à un principe divin ?
    Christiane Singer situe l’action à la fin du Moyen Âge, où le religieux était largement présent. D’origine juive, elle avait un fort rapport à la Bible, puis elle est passée par le bouddhisme zen, et s’est rapprochée ensuite du catholicisme. Elle avait une pratique spirituelle mais elle n’a jamais été dogmatique. Il est vrai que pour recevoir cette œuvre, il faut accepter sa dimension spirituelle. Sans quoi cette histoire, qui est d’une violence inouïe, est incompréhensible. C’est un conte initiatique qui a vocation à accompagner les gens dans leurs épreuves. 

    Quel est le sens de ce conte ?
    On suit le cheminement parallèle de deux amants qui vont vivre des mues. Dévoré par une jalousie maladive qui le pousse à infliger à sa jeune femme, Albe, une punition d’une extrême cruauté, Sigismund va pouvoir fendiller ce mur de haine grâce au regard et à l’écoute d’un hôte de passage, le seigneur de Bernage. Il va alors éprouver un besoin très fort d’aller au contact des bêtes et du monde sauvage pour s’extraire de la fascination et vivre ce qu’on appelle une métanoïa, qui peut se comparer à une conversion, non pas à Dieu mais à ces forces qui nous traversent et qui nous font vivant. Parallèlement, la jeune Albe, au plus profond de son désespoir, constate qu’elle est capable de maintenir le lien avec le vivant par la pensée et gagner une forme de liberté intérieure malgré sa réclusion, en se remémorant par exemple des balades de son enfance, des sensations physiques, la relation avec Balourd le chien ou Amanda l’hermine … Elle prend conscience qu’elle a en elle – grâce à Rosalinde, la femme qui l’a élevée – tous les éléments de son émancipation. Jusqu’à la révélation magistrale à la fin où elle fait un choix très clair et très puissant, le seul possible peut-être si l’on veut vivre : celui de l’amour face à la haine. Pour Christiane Singer, il faut aimer et la seule mesure en amour, c’est la démesure. 

    À quelle vision du masculin et du féminin correspondent ces personnages ?
    Ce ne sont pas les rapports entre homme et femme mais entre principes masculin et féminin que Christiane Singer étudie.  La première fois que Sigismund voit Albe, elle porte un bol d’eau avec beaucoup de concentration. Cette image va le hanter. Parce qu’il comprend à travers elle qu’Albe est le bol et qu’il est l’eau. Et qu’il aura toujours besoin d’être contenu. L’un ne va pas sans l’autre. Sigismund a le pouvoir de l’enfermer mais Albe a le pouvoir sur son cœur. Elle est immensément puissante. Je trouve belle la prise de conscience de la force des femmes : le fait qu’on ait un lien avec le vivant, parce qu’on l’héberge dans notre corps, qu’on ait ou pas l’expérience de la maternité. Et bien sûr des hommes ont en eux cette dimension palpitante de la vie. Ce n’est pas genré de façon strictement déterministe. Je préfère parler de dosage du masculin et du féminin chez chacun et chacune. 

    Une telle relation entre un homme et une femme ne pose-t-elle pas question aujourd’hui ? 
    Je suis concernée par les combats du moment mais dans une société où il y a peu d’espace pour le vrai débat, ça m’intéresse de traduire un autre point de vue, même à contre-courant. Le parcours d’Albe, qui peut être lu, du point de vue de l’ego, comme une expérience d’humiliation et de soumission, devient, d’un point de vue spirituel, une élévation de l’âme. Qu’on le veuille ou non, l’épreuve traversée permet un accomplissement. C’est difficile à entendre dans une société qui nous dit que nous ne devons pas souffrir. Pourtant sa force se construit par l’épreuve qu’elle surpasse, grâce à la pulsion de vie et à l’amour. Quand on y réfléchit, ce n’est pas si absurde. 

    Sigismund aussi vit une douleur atroce quand son amour se transforme en une jalousie dont il devient esclave. J’éprouve une compassion forte pour cet homme qui n’a pas à lui seul les outils pour s’en sortir. C’est Bernage qui, en écoutant sans juger, peut tout faire changer. Parce qu’il est dans un état de réception, d’attention à l’autre, donc d’une certaine façon dans une forme d’amour. Cette attention, c’est aussi ce qu’on se donne au théâtre, sur scène et dans la salle et qui fait la spécificité vivante d’une représentation. 

    En quoi a consisté votre travail d’adaptation ?
    Avec Chantal de La Coste, nous avons essentiellement fait des coupes et des déplacements, mais pas de réécriture. Nous n’avons gardé que deux parties sur les quatre qui composent le roman et j’ai placé au début un bout de la fin pour que les spectateurs intègrent tout de suite l’issue positive de l’histoire. Je ne voulais pas qu’ils soient happés par le suspens lié au sort de la jeune femme mais qu’ils puissent se concentrer sur le processus de transmutation de ces deux êtres. 

    La première partie, composée des lettres de Sigismund au seigneur de Bernage, est très intense parce qu’elle déroule le récit. La deuxième partie, le journal d’Albe, est plus axé sur les étapes de son cheminement intérieur, dans toute sa complexité. C’est elle qui permet le passage, car elle donne toute sa profondeur à l’œuvre. 

    Comment mettre en scène cette relation sans dialogue ?
    Avec l’éclairagiste Elsa Revol, le compositeur Julien Lepreux et la scénographe Chantal de La Coste, nous avons travaillé sur la force de la suggestion, en laissant de l’espace, du vide, du noir, et du temps que chacun puisse remplir. Pour favoriser la disponibilité du spectateur, on cherche à le mettre dans un état plus instinctif qu’intellectuel. Par des niveaux de lumière bas, on se met à développer son écoute, l’accompagner à ouvrir d’autres « yeux », ceux de l’intérieur. La représentation devient une expérience sensorielle. J’attaque sur plusieurs fronts pour pouvoir désactiver un peu la pensée raisonnable qui, dans une histoire comme celle-ci, doit venir après. C’est l’expérience émotionnelle intense qui ouvre la voie de l’âme. J’essaie de rester le plus possible en contact avec la matière organique de l’œuvre – qui réside dans ses silences et ses creux – ne pas surajouter des choses, de ne pas polluer le texte. On tâtonne, ça nécessite du temps et une grande réceptivité de l’équipe. Il faut de très grands acteurs pour porter cette dimension.

    Propos recueillis par Olivia Burton, novembre 2021

    Julie Delille 

    Comédienne issue de l’École de la Comédie de Saint-Étienne en 2009, Julie Delille y a travaillé sous la direction de Jean-Claude Berutti, François Rancillac, Jean-Marie Villégier, Olivier Maurin et Jean-Paul Delore. Après plusieurs années comme interprète et professeure de théâtre (notamment au conservatoire d’Orléans et à l’université d’Angers), et à la suite d’une année de recul et de réflexion, le désir d’initier au plateau, un certain univers, empli d’images, de sons et de silences devient une évidence. Autour des thématiques qui lui sont chères — nature, langage et figure féminine — elle fonde en 2015 le Théâtre des trois Parques.
    Après L’Impromptu, créé en septembre 2016, c’est Je suis la bête, adaptation du roman d’Anne Sibran, qui voit le jour en février 2018. Julie Delille a signé la mise en scène et y interprète le rôle de Méline, enfant sauvage au cœur de la forêt. Je suis la bête présenté notamment au festival WET° 2018, au festival Impatience 2018 et au Printemps des Comédiens 2019, a obtenu le prix de la scénographie du Théâtre de l’Union – CDN du Limousin et le prix de la SACD au festival Impatience 2018.
    Suit Le Journal d’Adam et Ève, fantaisie pour deux acteurs d’après Mark Twain, petite forme créée dans l’esprit de la décentralisation entre deux compagnies implantées en milieu rural, qu’elle interprète et co-met en scène avec Mélissa Barbaud et Baptiste Relat (Compagnie Scène Nationale 7 dans la Drôme).
    Seul ce qui brûle d’après le roman de Christiane Singer, est créé à l’automne 2020, Julie Delille en signe l’adaptation et la mise en scène.
    Parallèlement à cela, elle choisit de mener de nombreux ateliers et stages à destination des publics amateurs et scolaires, principalement sur le territoire berrichon, lieu d’implantation du Théâtre des trois Parques.
    De 2016 à 2019 Julie Delille a été artiste associée à L’Équinoxe, scène nationale de Châteauroux. À partir de la saison 2019-2020, c’est avec la maisondelaculture de Bourges, scène nationale que le cheminement se poursuit.
    Julie Delille a également été l’artiste coopératrice du Théâtre de l’Union – CDN du Limousin lors de la saison 2020-2021.

    Christiane Singer

    Christiane Singer est une écrivaine, essayiste et romancière française. Élève du Conservatoire de diction et d’art dramatique de Marseille, elle obtient un doctorat de Lettres Modernes à l’université d’Aix-en-Provence. En 1968, elle rencontre le Comte Georg von Thurn-Valsassina, architecte, qui deviendra son mari, et s’installe en 1973 dans son château médiéval de Rastenberg (Autriche), non loin de Vienne, et y élèvera ses deux fils. Ce château lui inspirera l’œuvre romanesque éponyme en 1996 Rastenberg. Elle organise également sur son domaine des séminaires de développement personnel, dans une maison qu’elle a conçue, et que son mari architecte a construite.

    Son œuvre et sa réflexion personnelle sont tout entières centrées sur la prise en compte nécessaire du spirituel qui couve dans le cœur de chacun. Elle est une autrice relativement prolifique, de sensibilité chrétienne imprégnée de sagesse orientale, qui s’abstient de donner des leçons de morale et exclut tout dogmatisme. Elle a obtenu plusieurs prix littéraires, dont le prix des libraires pour La Mort viennoise en 1979, le prix Albert-Camus pour Histoire d’âme en 1989, et le prix de la langue française en 2006 pour l’ensemble de son œuvre. Elle écrit Seul ce qui brûle entre janvier et mars 2006, il sera publié le 24 août suivant. Le 1er septembre 2006, lorsque son médecin lui annonce qu’elle est atteinte d’un cancer et qu’il lui reste six mois à vivre, elle se lance dans la rédaction d’un journal, qui sera publié sous le titre Derniers fragments d’un long voyage. Christiane Singer est décédée le 4 avril 2007, à l’âge de soixante-quatre ans.

    Autour du spectacle 

    DU 9 AU 25 MARS 
    → Exposition Seul ce qui brûle, croquis de répétition de Cathy Beauvallet et Elsie Herberstein dans le hall et au 1er étage du théâtre.
    → Cabinet de curiosités Cabinet n°4, Scientifica – Hiver 2022, objets recueillis par Julie Delille et assemblés par Clémence Delille.

    Dimanche 20 mars à 15h30
    → Garderie-atelier pour les enfants de 6 à 10 ans
    Pendant que les parents assistent à un spectacle, les enfants participent à un atelier de pratique théâtrale animé par Raphaël Hornung, comédien de la compagnie pour ainsi dire. Tarif : 10 € par enfant – Uniquement sur réservation : 01 48 13 70 00
    → Rencontre avec l’équipe artistique, à l’issue de la représentation

    Du 23 au 27 mars 2022 À la MC93
    Je suis la bête d’Anne Sibran, mise en scène Julie Delille 
    www.mc93.com

    Informations pratiques

    NAVETTES RETOUR

    La navette retour vers Paris
    Du lundi au vendredi, une navette est mise en place à l’issue de la représentation, dans la limite des places disponibles.

    Elle dessert les arrêts :
    Porte de Paris (métro ligne 13), La Plaine Saint-Denis, Porte de la Chapelle, La Chapelle, Stalingrad, Gare du Nord, République, Châtelet
    Tarif : 2 €.
    Réservation à la billetterie avant le spectacle.

    La navette dionysienne
    Le jeudi, si vous habitez à Saint-Denis, une navette gratuite vous reconduit dans votre quartier. Merci de réserver au 01 48 13 70 00 ou à la billetterie avant le spectacle.

    LE RESTAURANT « CUISINE CLUB »
    est ouvert une heure avant et après les représentations et tous les midis en semaine.
    Réservation conseillée : 01 48 13 70 05.

    LA LIBRAIRIE DU THÉÂTRE
    est ouverte avant et après les représentations.
    Le choix des livres est assuré par la librairie Folies d’Encre de Saint-Denis.
    Un vestiaire gratuit est à votre disposition.

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