Tempest Project

    Un spectacle issu d’une recherche autour de La Tempête de William Shakespeare
    Adaptation et mise en scène Peter Brook et Marie-Hélène Estienne

    Avec
    Sylvain Levitte
    Caliban, fils de la sorcière Sycorax
    Ferdinand, fils du roi de Naples 
    Paula Luna
    Miranda, fille de Prospero
    Fabio Maniglio
    Trinculo, serviteur du roi de Naples 
    Luca Maniglio
    Stephano, serviteur du roi de Naples 
    Marilù Marini
    Ariel, un esprit 
    Ery Nzaramba
    Prospero, autrefois duc de Milan
    Lumière 
    Philippe Vialatte
    Chants
    Harué Momoyama

    Le texte Tempest project, adaptation de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne d’après la version française de Jean-Claude Carrière de La Tempête de William Shakespeare, a été publié en novembre 2020 chez Actes Sud-Papiers.

    Production Centre International de Créations Théâtrales, Théâtre des Bouffes du Nord.
    Coproduction Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis ; Scène nationale Carré-Colonnes, Saint-Médard-en-Jalles ; Le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, scène Nationale ; Le Carreau, scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan ; Teatro Del Veneto ; Cercle des partenaires des Bouffes du Nord.

    Entretien avec Peter Brook et Marie-Hélène Estienne

    Shakespeare a été votre compagnon de toujours. Vous avez donné une première Tempête en anglais en 1957, en français en 1968, puis une troisième d’après la traduction de Jean-Claude Carrière en 1990. Pourquoi reprendre la mer aujourd’hui et repartir à l’abordage ?

    Peter Brook : Pour moi, rien n’est jamais définitif. Dès mes débuts, ce qui m’intéressait se résumait au mot « chercher ». J’ouvrais les yeux sur le monde et chaque jour je trouvais qu’il m’était inconnu, quel qu’en soit le domaine. J’ai commencé une vie de voyageur, d’abord en Angleterre, puis en France. J’ai exploré les possibilités et les différences entre les deux langues. Puis, j’ai eu la chance d’aller dans d’autres pays. Pour moi, c’était toujours une recherche, une quête sans illusion de trouver un jour le trésor caché. La recherche, c’est la possibilité de pouvoir encore recommencer. 

    Quand j’ai découvert Shakespeare, j’ai trouvé que c’était un mystère absolu et ça l’est toujours autant. Tous les sujets qui concernent l’être humain sont contenus dans ses pièces. Et, dans chacune, il existe un sens mystérieux, ce que l’on peut appeler aujourd’hui d’une manière assez banale la « spiritualité ». Certains vers de Shakespeare dépassent de loin ce que nous trouvons dans les religions. Tout est là, réduit à de petites phrases simples. Quand j’étais très jeune, j’ai fait quelques versions de La Tempête, sachant qu’elles ne perceraient pas tous les secrets de la pièce. C’est pourquoi aujourd’hui nous avons choisi le titre de Tempest Project, un projet qui n’a aucunement la prétention d’être une nouvelle version de La Tempête ou une Tempête redécouverte. 

    Les personnages de la pièce sont terriblement humains, c’est d’ailleurs ce qui les rend si vivants et universels. Ils sont confrontés à des épreuves dont ils ne sortent pas toujours victorieux. Prospéro fait de son exil géographique forcé, un voyage intérieur. Porte-t-il bien son nom ? Sort-il « prospère » et grandi de cette odyssée ? 

    Peter Brook : En Prospéro nous pouvons voir un être humain d’une grande sensibilité, un père merveilleux, adoré par sa fille. Mais il est aussi devenu un magicien noir qui a en lui un magicien blanc. Dans la pièce, il dit que ses livres sur la magie comptent plus que tout pour lui, mais il se rend compte à la fin qu’un être humain doit savoir où s’arrêter, au risque de devenir ce que nous voyons partout, un dictateur dont le pouvoir est si grand qu’il ne peut y renoncer. Prospéro, lui, y renonce. Tous les projets sont de même importance pour lui, la vengeance, le pouvoir et l’amour qu’il souhaite à sa fille. Avec tout son savoir, il crée des conditions et des épreuves dont le but est de réunir ces deux êtres, Miranda et Ferdinand. C’est tellement émouvant. Si l’on se penche sur tous les mythes anciens, ceux de l’Inde ou de la mythologie grecque, nous voyons que les héros sont mis à l’épreuve avant de sortir vainqueurs. Dans ses derniers mots, il confie que pour être libéré il lui faut une prière très spéciale, qu’il décrit avec des images étonnantes. Il demande ainsi au public – et ça, c’est le théâtre – de pouvoir le laisser partir avec des approbations, des bravos et enfin l’absolu silence d’une salle vraiment émue. Afin qu’il n’y ait aucun malentendu, il rappelle que pour les acteurs, il faut un partage et rien d’autre. Et nous devons toujours nous souvenir de cela quand nous faisons du théâtre. 

    L’adaptation de la pièce et sa traduction française, très fluide, réussit à garder l’essence du texte originel et toute sa saveur dans une forme resserrée. Pourquoi avoir fait le choix d’une version condensée ?

    Peter Brook : L’origine est bien sûr le texte de Shakespeare, qui est ancré dans son époque. Personne ne peut s’y tromper, dans sa structure de langage, c’est un texte de l’époque élisabéthaine. Pour en faire une version plus courte et plus claire, nous sommes partis de la traduction de Jean-Claude Carrière, qui, dans tous les projets que nous avons menés ensemble, a toujours cherché à construire des phrases les plus limpides possible, à condenser le texte pour le purifier. Avec Marie-Hélène Estienne nous nous sommes servis de ces bonnes bases, les avons de nouveau comparées à l’anglais, vers après vers, et, à nous deux, nous avons recomposé une nouvelle traduction qui nous a semblée simple et proche. Nous n’avons rien ajouté, nous avons coupé. L’essentiel devient plus accessible en réduisant le texte. Marie-Hélène a réalisé le travail d’écriture, elle a pris cette matière, l’a examinée, digérée et posé les mots sur le papier. Ce qui m’a beaucoup étonné, moi qui suis né en Angleterre, c’est que le texte résonnait presque mieux en français qu’en anglais, car l’anglais de Shakespeare n’est plus notre langage naturel. Et encore une fois, avec ce travail de traduction, nous voulions rester dans cette notion modeste de « project ».

    La scène semble être un bateau délesté de tout ce qui pourrait le faire chavirer, seuls restent à bord vos objets fétiches, traces de précédentes traversées… Dans cet univers épuré, quel souffle la musique apporte-t-elle ?

    Marie-Hélène Estienne : Tempest Project a subi avec malheur et bonheur les secousses de la pandémie. Nous avons commencé notre démarche en anglais, puis les circonstances – le fait de ne plus pouvoir continuer dans la forme que nous avions abordé – nous ont mené à entreprendre une traduction en français qui a été publiée aux éditions Actes Sud-Papiers. De la même manière, la recherche musicale de la pièce a évolué et une nuit de doute une évidence fulgurante s’est imposée – la musique était déjà là depuis longtemps, elle était cachée dans une bande sonore que nous avions utilisée en partie – une petite partie – des années avant. La voix magique de Harué Momoyama qui avait enregistré ses chants la nuit dans le théâtre des Bouffes du Nord vide, surgissait du passé et devenait à nouveau totalement présente et donnait à notre version le mystère enchanté dont elle avait tant besoin.

    Propos recueillis par Malika Baaziz, décembre 2020


    Peter Brook

    Peter Brook est né à Londres en 1925. Tout au long de sa carrière, il s’est distingué dans différents genres : théâtre, opéra, cinéma et écriture. Il met en scène de nombreux textes de Shakespeare pour la Royal Shakespeare Company, tels que Peine d’amour perdu (1946), Mesure pour Mesure (1950), Titus Andronicus (1955), Le Roi Lear (1962), Marat/Sade (1964), Le Songe d’une nuit d’été (1970) et Antoine et Cléopâtre (1978).

    À Paris, en 1971, Peter Brook fonde le Centre International de Recherche Théâtrale, lequel devient, lors de l’ouverture du Théâtre des Bouffes du Nord, le Centre International de Créations Théâtrales.

    Ses productions se remarquent par leurs aspects iconoclastes et leur envergure internationale : Timon d’Athènes (1974), Les Iks (1975), Ubu aux Bouffes (1977), Mesure pour Mesure (1978) La Conférence des oiseaux (1979), L’Os (1979), La Cerisaie (1989), Le Mahabharata (1985), Woza Albert ! (1989), La Tempête (1990), L’Homme qui (1993), Qui est là (1995), Oh ! Les Beaux Jours (1995), Je suis un Phénomène (1998), Le Costume (1999), La Tragédie d’Hamlet (2000), Far Away (2002), La Mort de Krishna (2002), Ta main dans la mienne (2003), Glückliche Tage (2003), Tierno Bokar (2004), Le Grand Inquisiteur (2005), Sizwe Banzi est mort (2006), Fragments de Samuel Beckett (2007), The Suit (2012), The Valley of Astonishment (2013) et Battlefield (2015).

    Il met en scène plusieurs opéras : La Bohème (1948), Boris Godounov (1948), Les Olympes (1949), Salomé (1949) et Les Noces de Figaro (1949) au Covent Garden de Londres, Faust (1953), Eugène Onéguine (1957) au Métropolitain de New York, La Tragédie de Carmen (1981) et Impressions de Pelléas (1992) au Théâtre desBouffes du Nord, Don Giovanni (1998) pour le festival d’Aix-en-Provence et Une flûte enchantée au Théâtre des Bouffes du Nord (2011).

    Ses principaux livres sont L’Espace vide (1968), Points de suspension (1987), Le Diable c’est l’ennui (1991), Avec Shakespeare (1998), Oublier le temps (2003), Entre deux silences (2006) et La Qualité du Pardon (2014). Au cinéma, Peter Brook a réalisé Moderato Cantabile (1959), Sa Majesté des Mouches (1963), Marat/Sade (1967), Tell me lies (1967), Le Roi Lear (1969), Rencontres avec des hommes remarquables (1976), Le Mahabharata (1989) et The Tragedy of Hamlet (2002).


    Marie-Hélène Estienne

    Marie-Hélène Estienne rejoint le Centre International de Créations Théâtrales en 1977 en tant qu’attachée de presse pour la création d’Ubu aux Bouffes au Théâtre des Bouffes du Nord.

    Elle devient ensuite assistante de Peter Brook pour La Conférence des oiseaux, La Tragédie de Carmen et Le Mahabharata dont elle cosigne le scénario de la version filmée. Puis elle collabore à la mise en scène de La Tempête, Impressions de Pelléas, Woza Albert et La Tragédie d’Hamlet (2000). Elle est co-auteur de L’Homme qui, de Qui est là et de Je suis un phénomène, présentés au Théâtre des Bouffes du Nord.

    Elle adapte en langue française la pièce Le Costume d’après Can Themba, et Sizwe Bansi est mort d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona. En 2003, elle fait une adaptation pour le théâtre en français et en anglais du Grand Inquisiteur – The Grand Inquisitor d’après Les Frères Karamazov de Fiodor Dostoïevski. Elle est l’auteur de Tierno Bokar et en anglais de Eleven and Twelve, d’après Amadou Hampaté Ba en 2005 et en 2009.

    Elle co-signe la mise en scène avec Peter Brook de Fragments, cinq pièces courtes de Samuel Beckett et enfin crée, avec Peter Brook et Franck Krawczyk, Une flûte enchantée d’après Mozart et Emanuel Schikaneder ; ainsi que The Suit d’après Can Themba, Mothobi Mutloatse et Barney Simon. On la retrouve également pour The Valley of Astonishment, The Prisoner, et tout récemment Why dont elle assure le texte et la mise en scène avec Peter Brook. 


    Autour du spectacle 

    DIMANCHE 31 NOVEMBRE
    RENCONTRE AVEC L’ÉQUIPE ARTISTIQUE
    À l’issue de la représentation, modérée par Georges Banu, universitaire et critique de théâtre.

    Aller au contenu principal