Onéguine - photo Pascale Fournier

    Onéguine

    D’APRÈS EUGÈNE ONÉGUINE D’Alexandre Pouchkine
    MISE EN SCÈNE Jean Bellorini

    du 16 au 27 septembre 2020
    du lundi au samedi à 20h30, dimanche à 16h
    durée 2h – salle Mehmet Ulusoy

    TRADUCTION André Markowicz
    SCÉNOGRAPHIE ET LUMIÈRE Jean Bellorini
    RÉALISATION SONORE Sébastien Trouvé
    ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Mélodie-Amy Wallet
    AVEC Clément Durand, Gérôme Ferchaud, Antoine Raffalli, Matthieu Tune, Mélodie-Amy Wallet

    COMPOSITION ORIGINALE LIBREMENT INSPIRÉE DE L’OPÉRA EUGÈNE ONÉGUINE DE PIOTR TCHAÏKOVSKI ENREGISTRÉE ET ARRANGÉE PAR Sébastien Trouvé et Jérémie Poirier-Quinot
    FLÛTE Jérémie Poirier-Quinot
    VIOLONS Benjamin Chavrier et Florian Mavielle
    ALTO Emmanuel François
    VIOLONCELLE Barbara Le Liepvre
    CONTREBASSE Julien Decoret
    EUPHONIUM Anthony Caillet
    RÉGIE LUMIÈRE ET SON Sébastien Perron
    RÉGIE PLATEAU Frédéric Gillmann
    HABILLAGE Nelly Geyres et Ornella Voltolini

    Reprise de la production déléguée Théâtre National Populaire 
    Production Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis.
    Remerciements à Madame Daredjan Markowicz.
    Le texte est publié aux éditions Actes Sud, collection Babel.

    ENTRETIEN AVEC JEAN BELLORINI

    Pour cette création, vous choisissez de plonger le public dans un rapport bifrontal et un dispositif sonore particulier. S’agirait-il d’une expérience plus encore que d’un spectacle ?

    Ce spectacle fait partie des créations que je conçois pour les donner partout, c’est-à-dire dans des lieux qui ne sont pas conçus pour accueillir du théâtre. En tant que centre dramatique national, nous nous devons d’amener dans des endroits où il n’y a pas de théâtre des spectacles qui ont la même force et la même complexité que ceux qui se jouent dans les murs du Théâtre Gérard Philipe. L’idée ici répondait donc à ce principe simple d’apporter la poésie au plus près de tous. Via cette expérience un peu plus technique mais somme toute très simple – en 2019, mettre un casque sur les oreilles, ce n’est pas vraiment extraordinaire ! –, arriver quelque part où rien n’est prévu pour un spectacle avec ces deux gradins qui se font face, en équipant 140 personnes de casques pour écouter la poésie de Pouchkine comme susurrée à leurs oreilles et entrer dans le film sonore de cette histoire, me paraît me rapprocher encore plus de l’idéal du théâtre comme service public délivré à tous et à chacun, mais c’est aussi aller plus loin dans l’idée que le théâtre n’est pas ce qui est visible avec les yeux. Le théâtre est invisible. Il y a théâtre quand l’imaginaire se met en marche. 

    L’autre pan essentiel du théâtre, qui consiste à être en présence d’acteurs qui lèvent en direct une histoire devant nous, n’est-il pas aussi conservé ?

    Bien sûr, tout se passe et nous est raconté en direct, hormis le décorum sonore enregistré et arrangé en amont par Sébastien Trouvé, à partir de l’opéra de Tchaïkovski duquel les grands thèmes sont empruntés. La dimension très lyrique, très romantique de cet opéra demeure, mais elle nous parvient elle aussi au plus près puisque tout le monde porte un casque, acteurs et spectateurs. Dans l’immédiateté, l’omniprésence et l’omnipotence des signes visuels qui sont celles de notre société, nous revendiquons encore une fois mais peut-être avec un niveau supplémentaire que le théâtre est là pour les dépasser et qu’il peut agir comme un acte de résistance : ce que l’on voit vraiment, c’est ce que l’on ne voit pas, c’est ce que l’on a en soi. Une résistance à l’époque de l’image. Le nombre et la force des images de ce spectacle reposent, peut-être plus encore que dans d’autres, sur le fait qu’elles vont surgir dans notre tête. Sur scène, il y a cinq acteurs, quelques chandeliers, et nous en sortirons avec de grandes images, dressées d’abord, bien sûr, par les mots de Pouchkine, et de son traducteur André Markowicz. La langue de Pouchkine se suffit à elle-même pour ouvrir ses images. D’ailleurs, le décor sonore arrive à une forme d’épure à laquelle il tend depuis le début et qu’il atteint au fur et à mesure. C’est-à-dire que nous commençons avec le vent, les cloches, le bal, les bruits des gens qui dansent sur le parquet, les pas dans la neige, les sons de la vie, et nous finissons par un silence et le texte seul dans l’oreille. Même à cet endroit-là, la poésie l’emporte. La langue de l’auteur déploie le décor et donne l’impulsion à tout l’imaginaire du spectateur.

    Si vous n’en êtes pas à votre première adaptation d’une œuvre non dramatique, et si la grande littérature russe est une de vos sources régulières, que requiert le traitement d’une œuvre poétique, avec son lyrisme et ses vers ?

    De ce point de vue, tout notre travail, je crois, a été de révéler le plus honnêtement et précisément possible celui d’André Markowicz qui a consisté à rendre la musique de cette langue, dans sa forme effectivement – donc par des rimes, des sonorités fidèles à celle de Pouchkine – mais aussi à en transposer l’esprit. Je ne sais pas si on peut dire qu’Eugène Onéguine de Pouchkine est aux Russes ce que nous sont les Fables de La Fontaine, mais il y a quelque chose de cet ordre, d’une comptine, peut-être plus de dandy que d’enfant, extrêmement versifiée et chantée, de façon légère et presque joyeuse, pour raconter le tragique, la solitude et l’ennui, et surtout le ratage de l’amour, le fait de passer complètement à côté de sa vie. Par la musique et par le sens, André Markowicz a cherché l’extrême simplicité qui caractérise ce poème en russe. C’est pourquoi je le compare à La Fontaine. Quand on le lit, Eugène Onéguine semble un texte érudit, truffé de références. En fait, c’est le poème le plus abordé et abordable, entendu et connu par cœur par les Russes de toutes classes et de tous âges. Ils sont nombreux à dire que c’est intraduisible parce que, précisément, toute transposition rend le poème immédiatement complexe, le place à une distance qu’il ne provoque pas dans sa version originale. André Markowicz, après des années de travail, livre en français l’accessibilité de ce poème, rend possible la familiarité, l’insolence et la douceur caractéristiques que Pouchkine instaure entre la poésie et son lecteur.

    Quel esprit commun vous reste-t-il à confirmer entre ce monde, ce courant de pensée, et votre théâtre ?

    Cette conscience hyperréaliste de l’échec fatal de toute destinée humaine est racontée dans toute la littérature russe, et si elle me touche particulièrement aujourd’hui dans l’œuvre majeure de Pouchkine, c’est paradoxalement parce qu’elle y est traitée avec un esprit extrêmement français – dans ce qu’on lui prête de raffinement, de dandysme. Dans la langue même de Pouchkine, on sent des influences et un rapport à la France. Il y a l’impertinence et l’ironie joyeuse d’une fable. On éprouve ici une nouvelle couleur du paysage littéraire russe, qui est d’un désespoir moins préétabli. On en arrive à la même désespérance et au même fiasco mais en passant par une joie de vivre et une légèreté mondaine qui correspond à la France contemporaine de Pouchkine et qui a fait l’image de la France durant des décennies. Le ratage ici est moins simple. La construction humaine et la vie sont liées à une mondanité presque proustienne – je le dis imprégné de l’œuvre de ce dernier, évidemment, mais il y a de cela : les êtres ne se résument pas à leurs passions. Dans l’œuvre de Pouchkine, l’homme a un côté dandy, bourgeois, une insolence, insupportable parfois, que je n’aurais pas sentis autant chez Dostoïevski ou chez Tchekhov, par exemple, dont les visions sont d’emblée plus âpres, les personnages plus amers. La virtuosité, l’aisance dans les rapports humains et en société sont révélées par la langue de Pouchkine : quand le mépris affleure, il comporte un détachement. C’est ce qui donne la force à Onéguine de rejeter Tatiana, avec cette hauteur. Quand les rôles s’inversent, c’est trop tard, mais l’abattement n’était pas donné d’avance. Dans ce spectacle, il y a l’écoute de Tatiana, sa force et sa beauté qui sont littéralement au centre. Ici Eugène Onéguine aurait pu s’intituler Tatiana Larina.

    Propos recueillis par Marion Canelas, mars 2019

    ALEXANDRE POUCHKINE

    Alexandre Pouchkine naît en 1799 à Moscou dans une des plus brillantes familles de la noblesse russe. Il est l’arrière-petit-fils d’un jeune Noir acheté à Constantinople et offert en tant que curiosité au premier empereur, lequel se prenant de sympathie pour lui, lui fournit une excellente éducation, une fortune et une carrière. Délaissé par ses parents, Alexandre Pouchkine se réfugie dans les livres. À la sortie du lycée Impérial, il se consacre à la littérature. Il publie de nombreux poèmes libertaires et n’hésite pas à provoquer le pouvoir. Le tsar Alexandre 1er le condamne alors à l’exil. Grâce à ses amis, il échappe à la Sibérie mais est envoyé dans des provinces reculées. Néanmoins, son voyage en Crimée et dans le Caucase lui fait découvrir des paysages magnifiques qui bercent ses poèmes. C’est durant ce voyage, en 1823, qu’il commence à travailler sur Eugène Onéguine : « En ce moment, je n’écris pas un roman, mais un roman en vers – différence diabolique. »
    Nouvellement couronné, le tsar Nicolas 1er offre son pardon à Pouchkine et l’autorise à revenir à Moscou. De retour à la vie mondaine, Pouchkine souffre affreusement de jalousie en voyant le Français Georges d’Anthès courtiser sa femme Natalia Gontcharova. Excédé, il le provoque en duel. Les deux hommes s’affrontent dans les faubourgs de Pétersbourg ; Pouchkine est touché d’une balle dans le ventre et meurt deux jours plus tard. Alexandre Pouchkine incarne la langue poétique russe. Il affirme la force lyrique de cette langue, rejetée par la noblesse privilégiant le français. En composant en prose ou en vers des contes, des nouvelles ou des drames, Pouchkine démontre la richesse et la musicalité de la langue du peuple dans un style précis, élégant et épuré.

    AUTOUR DU SPECTACLE

    DIMANCHE 27 SEPTEMBRE 
    → Rencontre avec l’équipe artistique et André Markowicz à l’issue de la représentation

    NAVETTE RETOUR
    La navette retour vers Paris
    Tous les soirs, une navette est mise en place à l’issue de la représentation, dans la limite des places disponibles.
    Elle dessert les arrêts :
    Porte de Paris, La Plaine Saint-Denis, Porte de la Chapelle, La Chapelle, Stalingrad, Gare du Nord, République, Châtelet.
    Tarif : 2 €.
    Réservation à la billetterie avant le spectacle.

    La navette dionysienne
    Le jeudi et le samedi soir, si vous habitez à Saint-Denis, une navette gratuite vous reconduit dans votre quartier.
    Merci de réserver au 01 48 13 70 00 ou à la billetterie avant le spectacle.

    LE RESTAURANT « CUISINE CLUB »
    est ouvert une heure avant et après la représentation et tous les midis en semaine.
    Réservation conseillée : 01 48 13 70 05.

    LA LIBRAIRIE DU THÉÂTRE
    est ouverte avant et après les représentations.
    Le choix des livres est assuré par la librairie Folies d’Encre de Saint-Denis.

    Programme de Salle Onéguine – PDFTélécharger

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