Programme de salle – Odile et l’eau

    Odile et l’eau

    TEXTE, CONCEPTION ET JEU Anne Brochet

    CHORÉGRAPHIE ET COLLABORATION ARTISTIQUE Joëlle Bouvier

    COLLABORATION ARTISTIQUE Elsa Imbert
    SCÉNOGRAPHIE Zoé Pautet
    LUMIÈRE Philippe Berthomé
    VIDÉO ET SON Pierre-Alain Giraud
    MUSIQUE Noé Elmaleh
    COSTUMES Anne Autran
    RÉGIE GÉNÉRALE Louisa Mercier
    RÉGIE SON ET VIDÉO Clément Bardet

    Le décor a été réalisé dans les ateliers du Théâtre Gérard Philipe, sous la direction de François Sallé.
    Remerciement Vassia Chavaroche et Mohamed El Khatib
    Production déléguée Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis.
    Production Théâtre National de Strasbourg ; MC2: Maison de la Culture de Grenoble – scène nationale ; Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis.
    Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.

    Entretien avec Anne Brochet 

    Odile et l’eau est votre premier texte pour la scène. Comment s’est fait ce passage à l’écriture pour le théâtre ?

    L’écriture a toujours été pour moi une expérience très physique mobilisant tout le corps. Mais écrire à propos de cette piscine fut encore plus physique que tout ce que j’avais expérimenté jusque-là, dans mes romans ou mes récits. Raconter cette histoire me donnait envie de bouger et c’est donc au cours du travail que m’est venue l’idée de porter ce texte sur un plateau de théâtre et de l’interpréter. 

    Quel a été le processus d’écriture de ce texte qui semble d’inspiration autobiographique ?

    J’avais en tête une référence, un livre d’Annie Ernaux qui m’avait beaucoup touchée il y a quinze ans : Regarde les lumières mon amour, où elle tient une forme de journal de la vie dans un supermarché à Cergy. À l’époque cela m’avait donné envie de faire la même chose avec la piscine. Je trouvais cet endroit tellement étrange, il s’y passait tellement de choses. Mais je n’avais jamais le temps. Lorsque enfin j’ai pu me libérer pendant deux mois d’été, je suis allée tous les jours à la piscine de L’Isle-Adam où j’habite : je nageais une demi-heure et ensuite j’écrivais tout ce qu’il s’était passé : ce que j’avais senti, ce à quoi j’avais pensé, qui nageait, quels corps je croisais… C’était un rapport très précis qui finit par faire trois cent pages ! J’ai commencé à élaguer dans l’idée d’en faire un journal intime. J’ai travaillé ensuite avec Joëlle Bouvier qui m’a aidée à m’éloigner de moi, à construire la dramaturgie et à ajouter du suspense, du mystère. 

    Quelle est finalement la part d’invention dans le texte ?

    Franchement je ne sais plus et ça ne m’intéresse pas trop. J’ai souvent écrit à partir de moi mais en me relisant, ce n’est pas moi que je retrouve et c’est très bien ainsi. J’ai le sentiment qu’on a beau parler de soi, finalement on n’y arrive jamais vraiment. Il existe toujours une sorte de malentendu et de rêverie autour de qui on est vraiment. J’ai donc voulu construire un personnage auquel j’ai cherché un prénom : j’ai tourné un temps autour d’Ondine puis je me suis souvenu d’une petite fille qui s’appelait Odile, dans le cours de danse où j’allais enfant. 

    Comment qualifier l’expérience sociale de la nage dans une piscine municipale ?

    La piscine est un lieu de communion, avec l’élément originel et avec tous les autres corps rassemblés dans un même rectangle. D’ailleurs Odile parle, un dimanche, de son impression d’être dans un bénitier géant ! Cette communion n’existe pas forcément à la mer où l’on saute dans les vagues, où l’on joue au ballon, où l’on peut nager loin… sans être réunis. La piscine municipale est un lieu de partage obligé, même si parfois ça bouchonne et qu’il y a des crispations. Il n’y a pas plus intime que d’être en maillot de bain avec des inconnus en maillot de bain eux aussi. D’un autre côté, on a beau être performant, tout le monde s’en fiche. Ce bassin, rempli de cette eau qui a, à la fois un pouvoir salvateur et mortel – car on ne sait pas respirer sous l’eau, est un endroit mystérieux finalement.

    Que produit la nage dans le corps ?

    Ce qui est intéressant, c’est de voir comment la tête lâche, comment on est traversé par des choses oubliées, comment la pensée devient libre : j’adore ce phénomène du rêve éveillé. Le corps dans l’eau est soulagé, il devient léger, les os n’existent quasiment plus. Entouré par la douceur de l’eau, c’est comme si on s’oubliait pour être enfin soi. Le corps s’abandonne : semblable aux autres, il n’est plus embarrassé par des obligations de tenue, de posture ou d’assise. Il devient le champ de sensations primitives qui ne sont ni la jouissance, ni la caresse, mais que je trouve belles et rassurantes dans les temps compliqués qui sont les nôtres. 

    Cette impression de redevenir infini, ou infiniment petit, est très rare dans nos vies. Peut-être nous rappelle-t-elle à nos origines, comme une invitation à l’humilité ?

    Comment avez-vous travaillé avec Joëlle Bouvier ?

    J’ai su assez tôt que je voulais collaborer avec un ou une chorégraphe. Quand j’ai senti que mon travail d’écriture avait besoin, pour avancer, d’entrer en dialogue avec quelqu’un, je lui ai proposé de lire le texte et de me dire si des choses lui parlaient – alors qu’elle a horreur de la piscine et n’avait aucun fantasme sur le sujet. Nous nous sommes retrouvées trois jours pour travailler sur une page. Après quoi, on savait qu’on était faites pour s’entendre sur ce projet. 

    On a exploré d’abord les mouvements du Nô, pour trouver quelque chose de pur, de minimaliste. Joëlle Bouvier ne voulait pas me faire danser, elle voulait des gestes justes et appropriés pour chaque mot. Il s’agissait de me faire bouger sur un plateau avec mes moyens à moi, avec mon âge. On a cherché aussi du côté du clown. Au début du processus d’écriture du personnage d’Odile, j’ai pensé à Zouc, l’humoriste, ainsi qu’à Auguste, le clown blanc. Par la suite quelque chose de ces images-là est resté en moi.

    Il n’y a pas d’esthétisme chorégraphique ni de mime. Les mouvements résultent d’un mélange entre mon expérience et l’univers de Joëlle Bouvier. Un jour, je l’ai emmenée à L’Isle-Adam pour lui montrer mes exercices. Elle a enregistré tout ça et ensuite on est tombé d’accord sur des gestes qui l’intéressaient et me parlaient aussi.

    Quels autres outils scéniques avez-vous choisis ?

    Au départ je voulais de la vidéo au sol, comme un bassin des souvenirs. J’ai rassemblé beaucoup d’images qu’on a essayées et triées : des images en noir et blanc de mon grand-père ou de mon père enfant et d’autres que j’ai filmées, qui accompagnent de façon onirique certains moments de la narration : des peupliers ou un poisson de l’aquarium du Trocadéro, la mer, des étincelles sur l’eau… La bande-son est constituée par la musique que mon fils a composée quand il avait 18 ans, à l’époque où il voulait devenir musicien. Cela m’émeut qu’il m’accompagne ainsi dans ce spectacle.

    Quels sont les défis de ce seul en scène ? 

    Je n’ai pas de problème avec la question de la parole intime car je n’ai vraiment pas l’impression de me livrer. C’est plutôt un défi corporel qui m’intéresse, avec la nécessaire dissociation entre les gestes et la parole, et un défi d’endurance : un investissement physique et mental d’une heure quinze. Au théâtre, j’aime sortir d’une représentation fatiguée. Ici c’est bien le cas ! J’aime l’idée de parler avec mon écriture à des gens que je peux regarder et la gageure principale, c’est que tout le monde puisse se reconnaître dans tel ou tel moment de cette histoire, au niveau quotidien comme au niveau cosmique. 

    Propos recueillis par Olivia Burton, août 2022

    Joëlle Bouvier 

    Joëlle Bouvier crée en 1980, avec la complicité de Régis Obadia, la compagnie L’Esquisse. Entre 1986 et 2003, elle dirigera successivement le Centre Chorégraphique National du Havre (1986-1992), puis le Centre National de Danse Contemporaine à Angers (1992-2003).

    En 2003, la collaboration artistique avec Régis Obadia prend fin. À partir de cette date, elle quitte le Centre National de Danse Contemporaine d’Angers et crée régulièrement des spectacles pour des grandes compagnies de ballets en France et à l’international (Nancy, Genève, Basel, Séoul, Sao Paulo…)

    Parallèlement à son travail de chorégraphe, elle réalise plusieurs courts-métrages et divers clips vidéo. Elle a reçu une Victoire de la musique pour sa réalisation du clip vidéo de Casser la voix de Patrick Bruel.

    En 2015, elle a reçu, le grand prix de la critique pour sa création Tristan et Isolde. Salue pour moi le monde !, sur la musique de Richard Wagner, et a été promue au grade d’officier dans l’ordre des Arts et Lettres.

    Anne Brochet 

    Anne Brochet est actrice, réalisatrice et écrivaine. Elle fait ses débuts au théâtre dans La Hobereaute (1986) de Jacques Audiberti, puis joue notamment sous la direction d’Arthur Nauzyciel dans L’Image (2006), de Lambert Wilson pour La Fausse Suivante de Marivaux (2010) et de Pascal Rambert pour Architecture, créé au Festival d’Avignon 2019 et présenté en ouverture de saison 2020-2021 au Théâtre National de Bretagne. En 2022, elle joue dans le nouveau spectacle d’Arnaud Meunier, Tout mon amour de Laurent Mauvignier ainsi que dans son seule-en-scène, Odile et l’eau.

    Au cinéma, elle tourne avec Claude Chabrol dans Masques (1987 ; nomination au César du meilleur espoir féminin) ; avec Jean-Paul Rappeneau dans Cyrano de Bergerac (1990, nomination au César de la meilleure actrice) ; mais aussi avec Alain Corneau dans Tous les matins du monde (1991, César du meilleur second rôle féminin). 

    En parallèle de ses activités de comédienne, Anne Brochet publie aux éditions du Seuil : Si petites devant ta face (2001) ; Trajet d’une amoureuse éconduite (2005) ; La Fortune de l’homme et autres nouvelles (2007) ; Le Grain amer (2015). Son dernier roman La Fille et le rouge est paru en 2019 aux éditions Grasset. 

    Par ailleurs, elle réalise en 2013 Brochet comme le poisson, un documentaire diffusé sur Arte et en 2022, son deuxième film, La Mouette et le chien.

    Autour du spectacle 

    Dimanche 20 NOVEMBRE : 

    rencontre avec l’équipe artistique 

    à l’issue de la représentation

    SAMEDI 26 NOVEMBRE : 

    un après-midi en famille

    à 16h : toute la famille assiste à L’Éloge des araignées à 17h : discussion « Derrière le rideau » 

    à 18h : pour les parents : Odile et l’eau et pour les enfants : atelier théâtre

    à 20h : dîner en famille au restaurant du théâtre

    Aller au contenu principal