Programme de salle Les Îles singulières

    LES ÎLES SINGULIÈRES

    D’APRÈS Le Sel DE Jean-Baptiste Del Amo
    Adaptation libre et collective
    MISE EN SCÈNE Jonathan Mallard
    COLLABORATION ARTISTIQUE Edwin Halter

    Du 12 au 16 mai 2022

    lundi au vendredi à 20h30, samedi à 18h30,  dimanche à 16h
    Durée : 1h50 — SALLE Mehmet Ulusoy


    AVEC
    Lina Alsayed 
    Ambre Febvre 
    Julia Roche 
    Mikaël Treguer
    Pierre Vuaille

    SCÉNOGRAPHIE 
    Jonathan Mallard
    Izumi Grisinger

    SON 
    Izumi Grisinger

    LUMIÈRE
    Rosemonde Arrambourg

    COSTUMES 
    Hercule Bourgeat

    Le texte est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.

    Généalogie des îles – réalisation Izumi Grisinger

    Production La Comédie – CDN de Reims.
    Coproduction Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis.

    Premiers printemps – 1re édition

    À son arrivée à la tête du Théâtre Gérard Philipe, Julie Deliquet a choisi d’être attentive et active pour accompagner la jeune création. Chaque saison, elle inscrit la programmation d’un temps fort autour de l’émergence artistique – Premiers printemps – qui met en lumière, pendant deux semaines, la première création d’un artiste homme et la première création d’une artiste femme, dont l’un des deux a sa compagnie implantée sur le territoire.

    Entretien croisé avec Alice Carré et Jonathan Mallard 

    Pouvez-vous me parler de votre parcours et comment il vous a menés à la mise en scène, la scénographie, la dramaturgie et l’écriture ? 
    Jonathan Mallard : Pendant mes études théâtrales au Conservatoire de Montpellier et à l’université, j’ai fondé un collectif avec des comédiens, dans lequel nous tournions pour la mise en scène. Pendant ce passage assez compliqué où on n’est plus vraiment étudiant et pas encore émergent, j’ai créé mes deux premiers spectacles. Puis j’ai suivi pendant trois ans les cours de l’École de la Comédie de Saint-Étienne, où j’ai rencontré Julie Deliquet et dont je suis sorti diplômé en juillet 2020. Les Îles singulières sera ma troisième création, mais en quelque sorte la première, dans le sens où elle est le prolongement et l’aboutissement des deux précédentes. Quand je commence à imaginer un spectacle, c’est le plus souvent par la scénographie. Dans mon cheminement, une fois le choix du texte fait, je rêve assez rapidement d’un espace qui contiendra l’histoire que je veux raconter et surtout les expériences sensorielles, poétiques et de jeu que je souhaite proposer à mon équipe.

    Alice Carré : J’ai suivi un parcours universitaire à l’ENS de Lyon en master d’études théâtrales. J’ai fait une thèse et enseigné à l’université. En parallèle, j’ai fait des stages d’assistanat à la mise en scène, créé certains spectacles dans un cadre amateur, et aussi travaillé avec des compagnies de danse et de théâtre à des postes de dramaturge, collaboratrice artistique, co-autrice ou en participant à des mises en scène collectives. Je n’ai, de ce fait, pas l’impression que Brazza – Ouidah – Saint-Denis présenté au TGP soit mon premier spectacle. J’ai toujours su que je voulais faire de la mise en scène, mais je sentais une forte dichotomie entre recherche universitaire et pratique théâtrale. Il a été très difficile de passer à l’acte et de fonder une compagnie car j’ai mis du temps à dépasser des questions personnelles de légitimité – questions que je partage d’ailleurs avec beaucoup de femmes artistes. C’est aussi pour cela que, quand j’ai découvert la structure de production Le Bureau des Filles, j’ai senti que j’y aurais une place pour enfin porter et développer mes propres projets.

    Quels ont été et sont encore les difficultés et les défis rencontrés à l’entrée dans le métier ?
    J. M. : J’ai une formation de comédien, c’est une carrière parfois douloureuse, notamment à cause de la forte pression du rapport à l’image. La mise en scène a été un espace libérateur et rassurant. Le spectacle Les Îles singulières, parti d’une carte blanche proposée par le directeur de l’École de la Comédie, a été un moment de joie et de retrouvailles avec les comédiens de ma promotion. Je suis profondément un comédien qui met en scène et un metteur en scène qui joue. Les deux se nourrissent mutuellement et je vois déjà comme il peut être difficile de ne pas se laisser enfermer dans l’une de ces cases par le reste de la profession. Tout juste sorti de l’École, je constate maintenant combien les parcours sont fléchés et à quels tremplins j’ai tout à coup accès grâce à mon diplôme. Bien sûr je me heurte souvent à des murs, mais c’est incomparable avec les difficultés que rencontrent mes camarades de l’émergence qui n’ont pas fait d’école supérieure. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, Chloé Dabert et Magali Dupin de la Comédie de Reims nous ont remarqués et ont décidé de porter la production. Puis Julie Deliquet et Isabelle Melmoux ont également décidé de nous faire confiance. Il y a un écart énorme entre mes tentatives d’avant l’École et les opportunités qu’on m’offre aujourd’hui. 

    A. C. : En plus de l’université, je travaille dans le théâtre depuis dix ans, et j’ai mon intermittence depuis un peu plus d’un an. Le parcours a été long. Comme j’ai collaboré avec plusieurs jeunes compagnies sur différents territoires, j’ai très bien connu, pendant des années, les difficultés pour avoir une visibilité. Mon expérience la plus douloureuse est d’avoir tenté de monter, sans accompagnement, une compagnie en Normandie. Cela a été tellement difficile que je me suis dit que ce n’était sans doute pas le bon moment et je me suis concentrée sur des projets en collaboration. Le soutien du Bureau des Filles et de lieux intermédiaires liés à l’émergence m’a apporté une confiance certaine. Les discussions avec Julie Deliquet autour d’Et le cœur fume encore, spectacle créé avec Margaux Eskenazi, ont évidemment changé beaucoup de choses.

    Comment la crise sanitaire a-t-elle exacerbé ces difficultés ?
    A. C. : La crise a provoqué l’annulation de quarante dates de la tournée d’Et le cœur fume encore. J’ai mis à profit ces temps devenus vides et solitaires pour l’écriture. Ça a aussi été un moment où j’ai cru que je n’arriverais jamais à lancer ce projet et payer les comédiens, car les lieux qui m’ont soutenue ont des moyens limités, et ceux-ci se réduisaient. Elles doivent aussi jongler avec les reports de spectacles et les municipalités. De bonnes nouvelles, un peu inespérées, sont heureusement arrivées, notamment avec le TGP et le focus Premiers printemps

    J. M. : La crise, en ralentissant tout le monde, a ramené mes désirs de création à une temporalité plus juste, moins urgente. Cela m’a permis de prendre du recul par rapport aux injonctions extérieures. Néanmoins, donner une vie à ce spectacle a été difficile. J’ai frappé à de nombreuses portes mais les institutions n’avaient ni le temps ni les réponses. Les primo-entrants n’étaient pas les premiers à sauver, et je peux comprendre en partie le raisonnement qui mène à cette conclusion, c’est tout un monde qui s’est écroulé. J’aime à croire que de cet effondrement naîtront de nouveaux modèles.

    A. C. : Il y a tellement de compagnies qui se battent depuis des années et qui vont disparaître car elles n’ont pas les soutiens nécessaires. Cela me terrifie. Les espoirs de réouverture sans cesse reportés nous ont isolés, y compris dans les réflexions et les mesures collectives à mettre en place pour faire que la visibilité et les moyens de production soient mieux répartis entre les compagnies, que l’on tourne peut-être moins mais de manière plus équitable. Des groupes de réflexion ont essayé de faire bouger les choses, de mettre en place des réseaux de solidarité, de repenser et mutualiser les moyens de production, mais le constat global est tout de même très alarmant pour notre secteur, ainsi que pour les travailleurs les plus précaires.

    Que vous apporte le soutien de Julie Deliquet et du TGP via l’événement Premiers printemps ? Comment abordez-vous le travail sur ce territoire de la Seine-Saint-Denis ?
    J. M. : Je dois beaucoup à Julie Deliquet. Elle m’a donné des mots et des outils. Sa théâtralité et ses processus de création dans lesquels j’ai pu me fondre pendant mes années à l’École de la Comédie de Saint-Étienne m’ont bouleversé et m’ont donné des lignes d’horizon, des espaces à conquérir. La programmation des Îles singulières à Premiers printemps est la suite d’une collaboration qui j’espère va continuer à prendre de multiples formes. Le fait d’être hébergé par le TGP, une maison qui est un réel soutien à l’émergence, est extrêmement précieux. Je suis au début de mon projet de fondation de compagnie à Lorient d’où je suis originaire, mais du fait de mon parcours « nomade », il est important pour moi de continuer à essaimer et à faire de mon activité artistique la résultante de ces escales, tout comme Les Îles singulières résulte de mon temps passé à Sète. Saint-Denis est un territoire puissant, il y a de fortes chances que les actions et les rencontres que j’y mène influencent la suite de mon parcours. Je le souhaite en tout cas.

    A. C. : Ma compagnie est installée à Saint-Denis. J’ai vécu et beaucoup travaillé en Seine-Saint-Denis, et suis aussi soutenue par le Studio Théâtre de Stains. Saint-Denis figure dans le titre de mon spectacle, une partie de l’action s’y déroule. C’est un territoire qui comprend une importante population immigrée, héritière des histoires coloniales que je souhaite raconter. C’est donc une grande joie de pouvoir travailler avec le TGP. Je suis impatiente de retrouver les publics et les classes de collégiens et de lycéens que nous avions tant aimé rencontrer sur les représentations d’Et le cœur fume encore. C’est en continuité avec ce qui fait sens dans mon travail.

    Propos recueillis par Malika Baaziz, mai 2021

    Extrait de la note d’intention

    Le Sel, écrit en 2010 par Jean-Baptiste Del Amo, est un roman à quatre voix qui retrace l’histoire d’une famille de sétois d’origine italienne, sur presque trois générations, dans le milieu de la pêche en mer. Pour ma part, j’y décèle une réflexion formidable sur les tensions qui peuvent exister entre mémoire collective et mémoire individuelle.

    Chaque personnage à tour de rôle revendique sa « vérité », sa version de l’histoire et s’évertue à se souvenir, mais chacun est prisonnier de ses propres sensations, de sa propre intelligibilité du passé ; ainsi ce n’est pas la véracité des faits mais la superposition des versions qui compte ici. La ville de Sète tout entière devient un « lieu de mémoire » au sens où l’entend l’historien Pierre Nora, c’est-à-dire, non pas là où l’on se souvient mais là où la mémoire est au travail : elle y est multiple, contradictoire, lâche et souvent patiemment arrangée. En adaptant ce roman pour le théâtre je poursuis mes recherches esthétiques et dramaturgiques autour des portraits de famille, dans la continuité de mes précédentes créations, mais j’y retourne cette fois sous un angle nouveau, propre à l’œuvre de Jean-Baptiste Del Amo : le clan familial comme écrin assumé ou détesté de nos constructions identitaires et sexuelles.

    Jonathan Mallard

    Jean-Baptiste Del Amo

    En 2006, Jean-Baptiste Del Amo reçoit le Prix du jeune écrivain de langue française pour sa nouvelle Ne rien faire, écrite à partir de son expérience au sein d’une association de lutte contre le VIH en Afrique. Son premier roman Une éducation libertine paraît dans la collection blanche des éditions Gallimard en 2008. Il se voit attribuer le Prix Goncourt du premier roman (2009) ainsi que la médaille d’argent du prix François Mauriac (Académie-Française). Le roman est à mi-chemin entre le roman historique et le roman d’apprentissage. Il évoque l’homosexualité, la prostitution et le libertinage bourgeois à Paris au XVIIIe siècle. 
    Il publie en 2010 son deuxième roman, Le Sel. Jean-Baptiste Del Amo est pensionnaire de la Villa Médicis en 2010-2011.
    En 2013, il publie Pornographia, récit d’une errance hallucinée dans la nuit d’une ville tropicale (Prix Sade 2013).
    En 2015, il est lauréat de la Villa Kujoyama. En 2016 paraît son quatrième roman, Règne animal qui retrace, du début à la fin du XXe siècle l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage industriel. Celui-ci reçoit, en juin 2017, le prix du Livre Inter.
    Les thèmes récurrents de l’œuvre de Jean-Baptiste Del Amo incluent la quête identitaire, le corps, la mort et la sexualité. Tout ce qui est organique a sa place, car « les corps gardent trace et révèlent ce qui n’est pas racontable d’une existence ».
    En 2021 paraît son cinquième roman, Le Fils de l’homme.

    Jonathan Mallard

    En 2011, Jonathan Mallard collabore avec la compagnie rennaise Théâtre à l’Envers et participe à la création européenne Between us, sous la direction du metteur en scène colombien Enrique Vargas.
    Il poursuit sa formation de comédien au Conservatoire à rayonnement régional de Montpellier sous la direction d’Ariel Garcia-Valdès de 2012 à 2014, guidé par Hélène de Bissy, Nicolas Pichot, Frédérique Dufour et Élisabeth Cecchi.
    En parallèle, il fait des études théâtrales à l’université Paul Valéry – Montpellier III où il obtient une licence en 2015 et un master II en 2018.
    Entre 2014 et 2017, il participe à de nombreuses créations théâtrales et chorégraphiques en région Occitanie.
    Il fonde également le collectif Les Gens qui doutent dont il dirige les actrices dans ses premières mises en scène : J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce au Théâtre du Trioletto (2014), et Requiem for Ophelia au Théâtre la Vignette (2016).
    Il entre en 2017 à l’École de la Comédie de Saint-Étienne (promotion 29) sous la direction d’Arnaud Meunier. Il travaille cette fois avec Loïc Touzé, le Collectif X, Daniel Passer, Mathieu Montanier, Éric Charon, Frédéric Fisbach, Myriam Djemour, Cécile Laloy, Jacques Allaire et Lorraine de Sagazan.
    En 2019, à l’occasion d’une carte blanche, il crée Les Îles singulières à la Comédie de Saint-Étienne, librement adapté du roman Le Sel de Jean-Baptiste Del Amo. Il obtient le DNSPC en juin 2020 et joue sous la direction de Julie Deliquet dans Le ciel bascule et sous la direction d’Edwin Halter dans Étrange animal aquatique nocturne. La saison suivante il joue dans La situation – Jérusalem, portraits sensibles de Bernard Bloch, puis rejoins la Jeune Troupe mutualisée des CDN de Reims et de Colmar.
    Jonathan Mallard fonde la compagnie DE LA LANDE en 2022

    Autour du spectacle 

    Dimanche 15 mai
    → Garderie-atelier pour les enfants de 6 à 10 ans
    Pendant que les parents assistent à un spectacle, les enfants participent à un atelier de pratique théâtrale animé par Raphaël Hornung, comédien de la compagnie pour ainsi dire.
    Tarif : 10 € par enfant – Uniquement sur réservation : 01 48 13 70 00

    → Rencontre avec l’équipe artistique, à l’issue de la représentation, modérée par Anne-Laure Benharrosh, enseignante et chercheuse en littérature

    Informations pratiques

    NAVETTES RETOUR

    La navette retour vers Paris
    Du lundi au vendredi, une navette est mise en place à l’issue de la représentation, dans la limite des places disponibles.

    Elle dessert les arrêts :
    Porte de Paris (métro ligne 13), La Plaine Saint-Denis, Porte de la Chapelle, La Chapelle, Stalingrad, Gare du Nord, République, Châtelet
    Tarif : 2 €.
    Réservation à la billetterie avant le spectacle.

    La navette dionysienne
    Le jeudi, si vous habitez à Saint-Denis, une navette gratuite vous reconduit dans votre quartier. Merci de réserver au 01 48 13 70 00 ou à la billetterie avant le spectacle.

    LE RESTAURANT « CUISINE CLUB »
    est ouvert une heure avant et après les représentations et tous les midis en semaine.
    Réservation conseillée : 01 48 13 70 05.

    LA LIBRAIRIE DU THÉÂTRE
    est ouverte avant et après les représentations.
    Le choix des livres est assuré par la librairie La P’tite Denise de Saint-Denis.
    Un vestiaire gratuit est à votre disposition.