Programme de salle Brazza – Ouidah – Saint-Denis

    Brazza – Ouidah – Saint-Denis

    TEXTE ET MISE EN SCÈNE Alice Carré 

    Du 19 au 23 mai 2022

    lundi, jeudi vendredi à 20h30, samedi à 18h30,  dimanche à 16h
    Durée : 1h40 — SALLE Mehmet Ulusoy

    AVEC
    Loup Balthazar
    Claire Boust
    Eliott Lerner
    Josué Ndofusu
    Kaïnana Ramadani
    Basile Yawanke

    ET LES TÉMOIGNAGES DE 
    Armelle Abibou
    Yves Abibou
    Monsieur Balossa
    Malonga Mungabio
    Orchy Nzaba

    CHORÉGRAPHIE Ingrid Estarque
    COLLABORATION À LA MISE EN SCÈNE Marie Demesy
    REGARD DRAMATURGIQUE  Loup Balthazar et Marie Demesy
    SCÉNOGRAPHIE Charlotte Gauthier Van Tour
    LUMIÈRE Mariam Rency
    SON Pierre-Jean Rigal
    COSTUMES Anaïs Heureaux
    RÉGIE LUMIÈRE et générale  Madeleine Campa

    Production, administration Véronique Felenbok, Morgane Janoir
    Diffusion Marie Leroy

    Documentaliste audiovisuelle Marie Termignon
    Avec le soutien des historiens Martin Mourre, Armelle Mabon, le foyer des Anciens Combattants de Brazzaville.
    Avec la participation de Marjorie Hertzog.

    Production Compagnie Eia !
    Coproduction Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis ; Centre culturel La Norville ; Studio Théâtre de Stains ; Théâtre de Choisy-le-Roi ; La Grange Dîmière, Fresnes ; Théâtre Brétigny.
    Avec le soutien du Bureau des filles ; Collectif 12, Mantes-la-Jolie ; du Théâtre l’Échangeur, Bagnolet ; de la Région Île-de-France ; du ministère de la Culture (DRAC Île-de-France) ; du Centre national des écritures du spectacle – La Chartreuse ; du département du Val-de-Marne.
    Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.

    Le texte a reçu l’aide à l’écriture de l’association Beaumarchais-SACD en 2019.

    Premiers printemps – 1re édition

    À son arrivée à la tête du Théâtre Gérard Philipe, Julie Deliquet a choisi d’être attentive et active pour accompagner la jeune création. Chaque saison, elle inscrit la programmation d’un temps fort autour de l’émergence artistique – Premiers printemps – qui met en lumière, pendant deux semaines, la première création d’un artiste homme et la première création d’une artiste femme, dont l’un des deux a sa compagnie implantée sur le territoire.

    Entretien croisé avec Alice Carré et Jonathan Mallard 

    Pouvez-vous me parler de votre parcours et comment il vous a menés à la mise en scène, la scénographie, la dramaturgie et l’écriture ? 
    Jonathan Mallard : Pendant mes études théâtrales au Conservatoire de Montpellier et à l’université, j’ai fondé un collectif avec des comédiens, dans lequel nous tournions pour la mise en scène. Pendant ce passage assez compliqué où on n’est plus vraiment étudiant et pas encore émergent, j’ai créé mes deux premiers spectacles. Puis j’ai suivi pendant trois ans les cours de l’École de la Comédie de Saint-Étienne, où j’ai rencontré Julie Deliquet et dont je suis sorti diplômé en juillet 2020. Les Îles singulières sera ma troisième création, mais en quelque sorte la première, dans le sens où elle est le prolongement et l’aboutissement des deux précédentes. Quand je commence à imaginer un spectacle, c’est le plus souvent par la scénographie. Dans mon cheminement, une fois le choix du texte fait, je rêve assez rapidement d’un espace qui contiendra l’histoire que je veux raconter et surtout les expériences sensorielles, poétiques et de jeu que je souhaite proposer à mon équipe.

    Alice Carré : J’ai suivi un parcours universitaire à l’ENS de Lyon en master d’études théâtrales. J’ai fait une thèse et enseigné à l’université. En parallèle, j’ai fait des stages d’assistanat à la mise en scène, créé certains spectacles dans un cadre amateur, et aussi travaillé avec des compagnies de danse et de théâtre à des postes de dramaturge, collaboratrice artistique, co-autrice ou en participant à des mises en scène collectives. Je n’ai, de ce fait, pas l’impression que Brazza – Ouidah – Saint-Denis présenté au TGP soit mon premier spectacle. J’ai toujours su que je voulais faire de la mise en scène, mais je sentais une forte dichotomie entre recherche universitaire et pratique théâtrale. Il a été très difficile de passer à l’acte et de fonder une compagnie car j’ai mis du temps à dépasser des questions personnelles de légitimité – questions que je partage d’ailleurs avec beaucoup de femmes artistes. C’est aussi pour cela que, quand j’ai découvert la structure de production Le Bureau des Filles, j’ai senti que j’y aurais une place pour enfin porter et développer mes propres projets.

    Quels ont été et sont encore les difficultés et les défis rencontrés à l’entrée dans le métier ?
    J. M. : J’ai une formation de comédien, c’est une carrière parfois douloureuse, notamment à cause de la forte pression du rapport à l’image. La mise en scène a été un espace libérateur et rassurant. Le spectacle Les Îles singulières, parti d’une carte blanche proposée par le directeur de l’École de la Comédie, a été un moment de joie et de retrouvailles avec les comédiens de ma promotion. Je suis profondément un comédien qui met en scène et un metteur en scène qui joue. Les deux se nourrissent mutuellement et je vois déjà comme il peut être difficile de ne pas se laisser enfermer dans l’une de ces cases par le reste de la profession. Tout juste sorti de l’École, je constate maintenant combien les parcours sont fléchés et à quels tremplins j’ai tout à coup accès grâce à mon diplôme. Bien sûr je me heurte souvent à des murs, mais c’est incomparable avec les difficultés que rencontrent mes camarades de l’émergence qui n’ont pas fait d’école supérieure. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, Chloé Dabert et Magali Dupin de la Comédie de Reims nous ont remarqués et ont décidé de porter la production. Puis Julie Deliquet et Isabelle Melmoux ont également décidé de nous faire confiance. Il y a un écart énorme entre mes tentatives d’avant l’École et les opportunités qu’on m’offre aujourd’hui. 

    A. C. : En plus de l’université, je travaille dans le théâtre depuis dix ans, et j’ai mon intermittence depuis un peu plus d’un an. Le parcours a été long. Comme j’ai collaboré avec plusieurs jeunes compagnies sur différents territoires, j’ai très bien connu, pendant des années, les difficultés pour avoir une visibilité. Mon expérience la plus douloureuse est d’avoir tenté de monter, sans accompagnement, une compagnie en Normandie. Cela a été tellement difficile que je me suis dit que ce n’était sans doute pas le bon moment et je me suis concentrée sur des projets en collaboration. Le soutien du Bureau des Filles et de lieux intermédiaires liés à l’émergence m’a apporté une confiance certaine. Les discussions avec Julie Deliquet autour d’Et le cœur fume encore, spectacle créé avec Margaux Eskenazi, ont évidemment changé beaucoup de choses.

    Comment la crise sanitaire a-t-elle exacerbé ces difficultés ?
    A. C. : La crise a provoqué l’annulation de quarante dates de la tournée d’Et le cœur fume encore. J’ai mis à profit ces temps devenus vides et solitaires pour l’écriture. Ça a aussi été un moment où j’ai cru que je n’arriverais jamais à lancer ce projet et payer les comédiens, car les lieux qui m’ont soutenue ont des moyens limités, et ceux-ci se réduisaient. Elles doivent aussi jongler avec les reports de spectacles et les municipalités. De bonnes nouvelles, un peu inespérées, sont heureusement arrivées, notamment avec le TGP et le focus Premiers printemps

    J. M. : La crise, en ralentissant tout le monde, a ramené mes désirs de création à une temporalité plus juste, moins urgente. Cela m’a permis de prendre du recul par rapport aux injonctions extérieures. Néanmoins, donner une vie à ce spectacle a été difficile. J’ai frappé à de nombreuses portes mais les institutions n’avaient ni le temps ni les réponses. Les primo-entrants n’étaient pas les premiers à sauver, et je peux comprendre en partie le raisonnement qui mène à cette conclusion, c’est tout un monde qui s’est écroulé. J’aime à croire que de cet effondrement naîtront de nouveaux modèles.

    A. C. : Il y a tellement de compagnies qui se battent depuis des années et qui vont disparaître car elles n’ont pas les soutiens nécessaires. Cela me terrifie. Les espoirs de réouverture sans cesse reportés nous ont isolés, y compris dans les réflexions et les mesures collectives à mettre en place pour faire que la visibilité et les moyens de production soient mieux répartis entre les compagnies, que l’on tourne peut-être moins mais de manière plus équitable. Des groupes de réflexion ont essayé de faire bouger les choses, de mettre en place des réseaux de solidarité, de repenser et mutualiser les moyens de production, mais le constat global est tout de même très alarmant pour notre secteur, ainsi que pour les travailleurs les plus précaires.

    Que vous apporte le soutien de Julie Deliquet et du TGP via l’événement Premiers printemps ? Comment abordez-vous le travail sur ce territoire de la Seine-Saint-Denis ?
    J. M. : Je dois beaucoup à Julie Deliquet. Elle m’a donné des mots et des outils. Sa théâtralité et ses processus de création dans lesquels j’ai pu me fondre pendant mes années à l’École de la Comédie de Saint-Étienne m’ont bouleversé et m’ont donné des lignes d’horizon, des espaces à conquérir. La programmation des Îles singulières à Premiers printemps est la suite d’une collaboration qui j’espère va continuer à prendre de multiples formes. Le fait d’être hébergé par le TGP, une maison qui est un réel soutien à l’émergence, est extrêmement précieux. Je suis au début de mon projet de fondation de compagnie à Lorient d’où je suis originaire, mais du fait de mon parcours « nomade », il est important pour moi de continuer à essaimer et à faire de mon activité artistique la résultante de ces escales, tout comme Les Îles singulières résulte de mon temps passé à Sète. Saint-Denis est un territoire puissant, il y a de fortes chances que les actions et les rencontres que j’y mène influencent la suite de mon parcours. Je le souhaite en tout cas.

    A. C. : Ma compagnie est installée à Saint-Denis. J’ai vécu et beaucoup travaillé en Seine-Saint-Denis, et suis aussi soutenue par le Studio Théâtre de Stains. Saint-Denis figure dans le titre de mon spectacle, une partie de l’action s’y déroule. C’est un territoire qui comprend une importante population immigrée, héritière des histoires coloniales que je souhaite raconter. C’est donc une grande joie de pouvoir travailler avec le TGP. Je suis impatiente de retrouver les publics et les classes de collégiens et de lycéens que nous avions tant aimé rencontrer sur les représentations d’Et le cœur fume encore. C’est en continuité avec ce qui fait sens dans mon travail.

    Propos recueillis par Malika Baaziz, mai 2021

    Repères historiques

    Septembre 1939-juin 1940 : 400 000 soldats africains sont enrôlés par l’armée française, près de 40 000 d’entre eux sont envoyés sur le front français.
    Juin 1940 :massacres de tirailleurs africains et malgaches à la débâcle dans l’est et la région lyonnaise.
    7 juin 1940 : Exécution de Charles N’Tchoréré, officier français du Gabon à Airaines par la Wehrmacht.

    19 et 20 juin 1940 : Massacre de Chasselay, le 25e régiment de tirailleurs sénégalais est massacré par les nazis.
    Août 1940 : Félix Éboué, gouverneur du Tchad, décide le ralliement du Tchad à la France libre. Le Général Leclerc est envoyé par De Gaulle pour rallier l’AEF à la France libre.
    26 octobre 1940 : Brazzaville est déclarée capitale de la France libre.
    18 décembre 1943 : Addi Bâ, tirailleur guinéen, devenu chef de maquis dans les Vosges et arrêté, torturé et fusillé à Épinal par les Nazis.
    Janvier-février 1944 : Conférence de Brazzaville afin de déterminer le rôle et l’avenir de l’empire français.
    15 août 1944 : débarquement de Provence, Opération Dragoon à laquelle participent beaucoup de tirailleurs du Maghreb et d’Afrique subsaharienne.
    19 juin 1944 : Prise de l’île d’Elbe par les tirailleurs et les Thabors.
    1er décembre 1944 : Massacre de Thiaroye au Sénégal.
    8 mai 1945 : Massacre de Sétif, Guelma et Kerrata en Algérie, suite aux promesses déçues de l’Indépendance au moment d’engager des soldats.
    26 décembre 1945 : Création du Franc CFA.
    1947 : 18 000 tirailleurs participent aux opérations de répression contre l’insurrection à Madagascar ; 1 900 y périssent.
    1946-1954 : Guerre d’Indochine à laquelle participèrent plusieurs régiments de tirailleurs africains.
    1954 – 1962 : Guerre d’Algérie à laquelle participèrent plusieurs régiments de tirailleurs.
    1959 : De Gaulle promulgue la loi de cristallisation des pensions. Gel du montant des pensions et des retraites des anciens combattants d’Outre-mer à celui qui était en vigueur au moment des indépendances.
    1997-1998 : Guerre civile au Congo-Brazzaville sous-tendue par la France, et les intérêts de la compagnie pétrolière Elf.

    Alice Carré

    Sa passion du théâtre et des arts de la scène l’accompagne tout au long de sa formation théorique qui la mène d’un master d’études théâtrales à l’École Normale Supérieure de Lyon à un doctorat en arts du spectacle dédié à la scénographie contemporaine et aux espaces vides (université Paris Nanterre). Elle a enseigné le théâtre à l’université de Nanterre, de Poitiers, de Paris 3 – Sorbonne Nouvelle et à la Comédie de Saint-Étienne.

    Elle accompagne la création de plusieurs pièces sur l’histoire des deux Congo (avec Malick Gaye et Christian Bena Toko, Sthyk Balossa, Christian Mualu, Ulrich N’Toyo et Carine Piazzi). 

    Avec Brazza – Ouidah – Saint-Denis, elle ouvre un travail de recherche au long cours autour des amnésies coloniales françaises, qu’elle explore notamment avec la conception et la co-écriture de Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre, et d’Et le cœur fume encore autour des mémoires de la guerre d’Algérie, aux côtés de la metteuse en scène Margaux Eskenazi et de la compagnie Nova. 

    En 2018, elle collabore avec Aurélia Ivan, pour la création d’Aujourd’hui, spectacle sur l’exclusion de la vie publique des populations dites « Rom ». Elle travaille aux côtés d’Olivier Coulon-Jablonka pour la commande d’une pièce d’actualité au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, La Trêve (2020, co-créé avec Sima Khatami), pièce de théâtre documentaire créée avec les habitants d’une tour d’hébergement d’urgence au fort d’Aubervilliers, menacée d’expulsion par les travaux du Grand Paris. Pour la compagnie Moukden Théâtre, elle écrit Kap o’ mond avec le chercheur haïtien Carlo Handy Charles qui met en scène la rencontre d’un jeune français et d’un jeune haïtien. 

    Elle écrit actuellement la prochaine pièce de la compagnie Nova, 1983, qui sera mise en scène par Margaux Eskenazi. 

    Elle fonde sa compagnie Eia ! en 2020 pour y développer la mise en scène de ses textes.

    Autour du spectacle 

    Dimanche 22 mai
    → Rencontre avec l’équipe artistique, à l’issue de la représentation

    Informations pratiques

    NAVETTES RETOUR

    La navette retour vers Paris
    Les lundi, jeudi et vendredi une navette est mise en place à l’issue de la représentation, dans la limite des places disponibles.

    Elle dessert les arrêts :
    Porte de Paris (métro ligne 13), La Plaine Saint-Denis, Porte de la Chapelle, La Chapelle, Stalingrad, Gare du Nord, République, Châtelet
    Tarif : 2 €.
    Réservation à la billetterie avant le spectacle.

    La navette dionysienne
    Le jeudi, si vous habitez à Saint-Denis, une navette gratuite vous reconduit dans votre quartier. Merci de réserver au 01 48 13 70 00 ou à la billetterie avant le spectacle.

    LE RESTAURANT « CUISINE CLUB »
    est ouvert une heure avant et après les représentations et tous les midis en semaine.
    Réservation conseillée : 01 48 13 70 05.

    LA LIBRAIRIE DU THÉÂTRE
    est ouverte avant et après les représentations.
    Le choix des livres est assuré par la librairie La P’tite Denise de Saint-Denis.
    Un vestiaire gratuit est à votre disposition.

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