Programme de salle de Des femmes qui nagent

    Des femmes qui nagent

    DE Pauline Peyrade
    MISE EN SCÈNE Émilie Capliez

    Du 8 au 19 MARS 

    du lundi au vendredi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 15h30, relâche le mardi

    Durée : 1h45 – Salle Delphine Seyrig

    AVEC Odja Llorca, Catherine Morlot, Alma Palacios (8 AU 16 MARS) en alternance avec Louise Chevillotte (17 AU 19 MARS), Léa Sery 
    ET EN ALTERNANCE SEIZE INTERPRÈTES AMATRICES Pascale Ambron, Ikrame Benhammou, Ghislaine Brefort, Victoria Chabran, Sylvie Charlier, Mathilde Dorbal, Eugénie Ducange, Alice Fidelle, Annick Irranca-Moncuit, Martine Jegouzo, Jeanne Lasbleis-Renouvel, Léa Le Floch, Lola Parmentier, Mayte Perea Lopez, Céline Veniat, Lilou Wickersheim 
    DRAMATURGIE Juliette de Beauchamp
    SCÉNOGRAPHIE Alban Ho Van
    LUMIÈRE Kelig Le Bars
    MUSIQUE Sylvain Jacques
    VIDÉO ET IMAGES Yann Philippe
    COSTUMES Caroline Tavernier
    ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Julien Lewkowicz

    Le texte Des femmes qui nagent est publié aux Solitaires intempestifs. L’écriture de ce texte est issue d’une commande de la Comédie de Colmar et a reçu le soutien du Théâtre Nanterre – Amandiers.

    Production Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace.

    Coproduction Théâtre de l’Union – CDN Limousin, La Filature – scène nationale de Mulhouse.

    Avec la participation artistique du Jeune théâtre national.


    Entretien avec Émilie Capliez

    Quel est le point de départ du spectacle ? 
    C’est notre envie commune avec Pauline Peyrade de parler des actrices. Avant même la commande d’écriture, elle avait engagé un travail autour de la figure de Marilyn Monroe, à la fois objet de fascination et d’interrogation pour elle, et jalon d’une certaine histoire de la violence à l’égard des femmes. Je souhaitais, pour ma part, interroger mon parcours de comédienne, mais aussi observer comment toute une génération de jeunes actrices abordait le métier aujourd’hui. Celui-ci est assez paradoxal en réalité : on adore jouer, être mises en lumière, et en même temps les propositions qui nous sont faites renvoient souvent des images problématiques de la femme. Pauline et moi voulions donc plonger dans l’envers du décor, contourner ces figures fascinantes et magnétiques pour regarder ce qu’elles racontaient plus en profondeur. Marilyn disait que ses robes étaient à la fois ses corsets et ses boucliers, une forme double de protection et d’enfermement.

    Quels sont les défis proposés par l’écriture de Pauline Peyrade ?
    Le texte n’est pas articulé autour d’une fable ni de rôles à proprement parler : c’est une écriture fragmentaire et énigmatique qui rassemble un certain nombre de blocs de textes qu’il s’agit d’articuler selon une alchimie dont nous avons décidée ensemble. Chaque fragment est inspiré soit d’une situation, soit d’un film spécifique, soit d’une actrice qui se raconte, avec à chaque fois une dynamique, une rythmique, une forme littéraire particulière. C’est un kaléidoscope d’écriture fantastique dans lequel les actrices voyagent, un texte polymorphe qui démultiplie et libère leurs possibilités de jeu. 

    Quel est le fil rouge du spectacle ?
    Nous partons des actrices, des figures d’icônes isolées qui nous fascinent, de la façon dont ces femmes ont été filmées dans l’histoire du cinéma, des images qu’elles renvoient aux spectateurs et spectatrices. Puis nous interrogeons le mouvement qui a consisté pour certaines d’entre elles à prendre la caméra ou le crayon pour fabriquer leurs propres récits. L’histoire de cette réappropriation nous guide, elle correspond au chemin que Pauline et moi-même avons fait et que nous voulons partager avec des actrices. Une forme de sororité s’invite ainsi au fur et à mesure du spectacle. 
    Aujourd’hui, les femmes occupent des places d’autrices, de réalisatrices, de monteuses, etc., de manière plus évidente qu’auparavant et on ne peut que s’en réjouir, encourager ce mouvement et y participer. Mais ce mouvement n’est pas neuf ! Quand on regarde les débuts du cinéma, on trouve des femmes pionnières et non seulement des hommes. Dans les années 1900, avant que le cinéma ne devienne une industrie régie par d’importants enjeux financiers, des femmes comme Alice Guy, Germaine Dulac, Marie-Louise Iribe et bien d’autres ont ouvert la voie. C’est fou de voir comment cette histoire est discontinue, comment les femmes qui ont dirigé ou impulsé des projets ont été ensuite invisibilisées. Le spectacle tente de faire un état des lieux, non exhaustif bien sûr, de ce rapport entre les femmes et la création. Il rend compte d’une dynamique, d’un changement de positionnement et de point de vue. 

    Comment s’emparer du cinéma sur scène ?
    Je n’ai pas voulu faire un spectacle sur le cinéma, mais un spectacle qui interroge la place des femmes dans le septième art, cherchant à recréer les sensations du cinéma avec les outils du théâtre, sans vidéo ni images projetées. C’était un défi et ce fut un enjeu majeur de la mise en scène. Dans ce travail, le texte est central car ici ce sont la langue et la littérature qui font image. Des moments de jeu très simples et bruts alternent avec des scènes plus atmosphériques, plus construites, au service d’un espace peuplé d’apparitions. L’envers du décor se traduit par un travail scénographique qui spatialise le texte dans un seul et même lieu. Avec Sylvain Jacques, le compositeur, Kelig Le Bars à la lumière, Alban Ho Van à la scénographie et Caroline Tavernier aux costumes, nous avons créé une partition faite de tableaux et d’émotions qui vient se juxtaposer avec la partition textuelle de Pauline Peyrade. 

    Comment avez-vous pensé votre distribution ?
    Il y a quatre générations d’actrices sur scène, âgées de 25 à 65 ans. Dans mon parcours, j’ai été inspirée par des figures féminines plus âgées que moi et je vois aujourd’hui des jeunes femmes très alertes sur les enjeux féministes, qui ont envie d’en découdre. Je trouvais beau d’inscrire cette notion de lignée dans le spectacle, le destinant à nos mères, nos grands-mères ou nos petites sœurs qui toutes pourront retrouver un fragment d’elles-mêmes dans les multiples situations proposées. J’ai aussi été très inspirée par les personnalités de ces quatre actrices, chacune avec son histoire, son parcours, portant en elle son regard et faisant résonner intimement tel ou tel fragment. 
    Votre passage du jeu à la mise en scène est-il lié à ces problématiques féministes ?
    J’ai eu la chance de travailler pendant dix ans dans un collectif d’acteurs et d’actrices où on avait tous plus ou moins la double casquette et où les propositions correspondaient à une démarche artistique globale qui m’était familière. Malgré tout, en tant qu’actrice, on dépend beaucoup du désir des autres. Cette position m’impatientait, et j’ai eu très vite envie de raconter mes propres histoires. 
    Si je regarde en arrière, en réalité c’est a posteriori que certains rôles peuvent aujourd’hui me sembler problématiques. C’est une question complexe, qui demande de la lucidité et une certaine maturité. Combien de temps considère-t-on comme normales des situations ou des assignations, des rôles qu’on nous propose ? Et à partir de quand commence-t-on à soulever le couvercle et à se demander si cela nous paraît juste ou pas, et ce qu’on en pense réellement en tant que femme ? Pour ma génération, des questions qui étaient tues sont devenues incontournables.

    Comment ce projet se situe-t-il dans votre parcours de metteuse en scène ?
    J’ai fait beaucoup de spectacles à destination de l’enfance et de la jeunesse. Ce spectacle s’inscrit dans un autre mouvement sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Il était important pour moi, dans mon parcours de femme et d’artiste, de prendre la parole sur ces sujets du féminisme, du rapport au corps, de ce que signifie devenir une femme, et de le faire avec précision et ambition.
    Enfin, ce qui me touche aussi dans ce texte, c’est que l’autrice Pauline Peyrade observe ces femmes avec précision et sensibilité en multipliant les formes et les points de vue. 
    Elle fait s’y côtoyer des fragments très explicites, comme les « César 2020 », et des scènes plus énigmatiques, zoomant sur des détails microscopiques. C’est aussi par ces minuscules détails que cette histoire se raconte, par le tissage de moments fracassants et de frémissements invisibles à l’œil nu. Notre scène agit comme un révélateur des violences subies à haut et bas bruit par les actrices. Ce parcours à travers les images, cette « visite guidée » subjective de l’histoire du cinéma occidental entend rendre compte de la complexité d’une prise de conscience collective.

    Propos recueillis par Olivia Burton, février 2023


    Pauline Peyrade 

    Pauline Peyrade est écrivaine et coresponsable du département écriture de l’ENSATT. Ses textes ont été mis en scène entre autres par Cyril Teste (Ctrl-X, 2016), Das Plateau (Bois Impériaux, 2018 ; Poings, 2021), Anne Théron (A la carabine, 2019), Matthieu Cruciani (Princesse de pierre, 2019), Florent Siaud (Faust, projet collectif, 2021), Gaétan Paré (Poings, 2022), Émilie Capliez (Des femmes qui nagent, 2023). 
    En 2015, elle présente un Sujet à Vif au Festival d’Avignon avec la circassienne Justine Berthillot. Elles créent ensemble Poings (2018), Carrosse (2019) et L’Âge de détruire (création en cours, 2024).
    Le texte Poings est finaliste du Grand Prix de Littérature Dramatique et Lauréat Prix Bernard-Marie Koltès 2019. À la carabine reçoit le Grand Prix de Littérature Dramatique 2021, le Prix Godot 2022, le Prix Ubu du meilleur texte étranger (Italie).
    Pauline Peyrade est associée à différents lieux (à la Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace, aux Quinconces et L’Espal – scène nationale du Mans, et à Nanterre-Amandiers – CDN) et conseillère dramaturgique à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon – Centre national des écritures du spectacle.. Ses textes pour le théâtre sont traduits en sept langues et publiés aux Solitaires Intempestifs.
    Son premier roman, L’Âge de détruire, paraît en 2023 aux Éditions de Minuit.

    Émilie Capliez

    Comédienne et metteuse en scène, Émilie Capliez  est co-directrice de la Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace depuis janvier 2019. Formée à l’École de la Comédie de Saint-Étienne entre 1999 et 2001, puis comédienne permanente au sein du CDN, elle travaille pendant dix ans au sein du collectif La Querelle, avant de fonder avec Matthieu Cruciani la compagnie The Party associée au CDN de Saint-Étienne jusqu’en 2018.
    Se jouant des formes et des formats, elle crée des projets pour tous les publics et oriente sa recherche vers le théâtre musical et la pluridisciplinarité en proposant des dramaturgies multiples mêlant corps, texte et musique. Si elle a travaillé sur des textes classiques – Les Nuits blanches de Fédor Dostoïevski, Salomé d’Oscar Wilde, Le Sicilien ou l’amour peintre de Molière –, la majorité de ses spectacles sont le fruit de collaborations étroites avec des auteurs vivants : Émilie Beauvais, Mohamed Rouhabbi, Boris Le Roy, Penda Diouf, Tünde Deak, Tanguy Viel et Pauline Peyrade.
    En 2020, elle crée Little Nemo ou la vocation de l’aube, d’après la bande dessinée de Winsor McCay, réaffirmant son goût pour les spectacles à destination de l’enfance et de la jeunesse. En 2021, elle met en scène L’Enfant et les sortilèges, de Maurice Ravel, sur un livret de Colette, à l’Opéra national du Rhin. En 2023, elle créera Quand j’étais petite, je voterai, de Boris Leroy, à la Comédie de Colmar et en itinérance.
    Après la création en 2019 du spectacle Une vie d’acteur, écrit par Tanguy Viel pour Pierre Maillet, Des femmes qui nagent s’inscrit dans une continuité et une interrogation sur la relation des acteurs et actrices avec le cinéma.


    Autour du spectacle

    DIMANCHE 12 MARS
    → Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation modérée par Anne-Laure Benharrosh, enseignante et chercheuse en littérature.

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