Programme de salle

    LE BIRGIT KABARETT

    CONCEPTION, ÉCRITURE ET MISE EN SCÈNE Julie Bertin, Jade Herbulot – Le Birgit Ensemble

    AVEC Eléonore Arnaud en alternance avec Pauline Deshons, Julie Bertin, Jade Herbulot, Anna Fournier, Morgane Nairaud, Marie Sambourg
    ET LES MUSICIENS Grégoire Letouvet (piano) ; Alexandre Perrot (contrebasse)
    COMPOSITION ET ARRANGEMENTS Grégoire Letouvet
    PAROLES DES CHANSONS Romain Maron
    RÉGIE GÉNÉRALE, SON ET LUMIÈRE Victor Veyron
    RÉGIE SON Julien Ménard

    Production Le Birgit Ensemble.
    Coproduction et accueil en résidence Théâtre de Châtillon.
    Avec le soutien de la Région Île-de-France ; du Conseil départemental du Val-de-Marne au titre de l’aide exceptionnelle à la résidence de création ; du Centre national de la musique. Le Birgit Ensemble est conventionné par le ministère de la Culture (DRAC Île-de-France) et par le Conseil départemental du Val-de-Marne.

    Entretien avec Julie Bertin et Jade Herbulot

    Comment ce cabaret est-il né ?

    Julie Bertin : Christian Lalos, directeur du Théâtre de Châtillon, nous a proposé de monter un cabaret en 2022, année des élections présidentielles, avec des rendez-vous récurrents entre novembre 2021 et juin 2022. Le pari consistait à recréer à chaque fois un cabaret nouveau, au plus proche de ce qu’était le cabaret politique dans la veine brechtienne, c’est-à-dire de coller à l’actualité, de croquer les personnages politiques et de s’en amuser, le contenu du spectacle se réinventant à chaque nouvelle date. Celui présenté au Théâtre Gérard Philipe sera le quatrième du genre.

    Savez-vous d’ores et déjà quels thèmes il va aborder ?

    Jade Herbulot : Non, on attend que l’actualité choisisse pour nous. Mais les sujets ne manquent pas, entre la question de l’énergie, la montée de l’extrême droite en Italie, la guerre en Ukraine et la gronde sociale, sans oublier la réforme des retraites qui figure à l’agenda du gouvernement… Depuis la rentrée nous accumulons des articles et des citations. Nous allons écrire aux mois de décembre 2022 et janvier 2023 et c’est là que nous déciderons du contenu thématique du cabaret que nous jouerons au TGP en février. Nous passerons alors commande au compositeur Grégoire Letouvet et au parolier Romain Maron. Julie et moi imaginons les protagonistes qu’on aimerait voir chanter et le style musical des morceaux puis Grégoire et Romain transforment ces synopsis de départ en chansons. C’est inédit pour nous de devoir écrire aussi vite mais cette urgence est indispensable pour garder cette sensation de jaillissement et de spontanéité qui crée une familiarité avec le public caractéristique du cabaret : un lieu en marge où l’on cherche à rire, à se détendre en buvant un verre. Donc s’il est fixé trop à l’avance, le spectacle risque de devenir trop propre.

    Dans ce processus qui peut être vertigineux, quels sont vos garde-fous ?

    J.B. : Nous travaillons à partir du squelette trouvé lors de la première édition : après le rituel de présentation des comédiennes chanteuses et des musiciens, le spectacle commence par une séquence européenne et enchaîne sur une séquence de politique française.

    J.H. : Reviennent aussi des archives enregistrées et montées, qui nous permettent de faire entendre les vraies voix de celles et ceux dont il est question ou que l’on fait chanter. 

    J.B. : Outre cette structure stable, l’exigence musicale constitue un autre garde-fou. Même si nous écrivons dans un temps assez proche de la représentation, nous nous donnons le temps de la réflexion et d’allers et retours à quatre. Les chansons doivent être suffisamment fines dans l’écriture. On tient à éviter le pastiche facile ou potache. Le registre de la satire demande une plume assez acérée et une certaine ambition musicale. Ensuite, quinze jours avant la représentation, on envoie les chansons aux comédiennes qui les apprennent de leur côté. Grégoire compose en fonction de leur tessiture vocale. Après quoi il y a peu de temps de répétition. C’est là où c’est vertigineux mais l’équipe est habituée à travailler ensemble et l’adrénaline fait qu’on arrive à monter le spectacle en deux jours et demi. En représentation, on sent bien que les gens ont l’impression que le spectacle vient tout juste de se créer et qu’ils assistent là à une soirée tout à fait éphémère et même unique. Ils nous voient faire un numéro d’équilibriste quasiment sans filet : c’est ce qui fait le sel de ce spectacle. Il s’agit d’être dans un désordre organisé qui est très nouveau et très grisant pour nous. 

    Comment prenez-vous en compte la possible diversité d’opinions politiques dans le public ?

    J.B. : On ne peut pas prétendre faire un cabaret politique traitant de l’actualité la plus brûlante en ne s’adressant qu’à des gens ayant les mêmes opinions que nous. Nous avons envie de nous adresser à des gens de gauche comme à des gens de droite en faisant le pari qu’ils puissent être attablés ensemble et partager une même soirée. Donc dans nos chansons et dans nos textes, il faut que tout le monde y passe, autant les gens de gauche que les gens de droite. Avec Jade, en tant que maîtresses de cérémonie, nous assumons le rôle des naïves qui vont interviewer différents personnages politiques et qui cherchent à comprendre. À travers cette position en creux, il s’agit de mettre en lumière l’absurdité de certaines situations ou de certains propos et du coup bien sûr leur critique possible, à droite comme à gauche.

    J.H. : On s’inscrit dans une histoire de la satire française. Nous avons grandi avec les Guignols de l’info, nous connaissons Coluche. Or cette forme de satire incarnée a disparu en France alors qu’elle offre un exutoire, qui permet de dédramatiser le rapport que nous entretenons avec nos gouvernements. Dans la vie, on est très peu confronté à des personnes qui ne pensent pas comme nous politiquement, à part dans la sphère familiale peut-être. Le cabaret est donc l’occasion de prouver qu’on peut être dans la même salle sans nécessairement partager les mêmes opinions politiques, sans se mépriser, ni s’insulter. Ce peut être un espace apaisé, grâce à l’humour, à la satire et aux chansons qui portent la critique en la mettant à distance. C’est aussi un lieu où l’on peut regarder en face sa propre opinion politique et rire de soi.

    Vous sentez-vous libres de rire de tout ?

    J.B. : Le critère consiste à savoir si on est assez à l’aise avec ce qu’on raconte : est-ce que tel propos nous fait rire ? Est-ce qu’on peut le défendre en public ? Nous ne nous interdisons rien, nous essayons de rire, sinon de tout, en tout cas de tout le monde. Même si sur certains sujets il faut faire preuve de plus de sobriété. Tout est une question de dosage.

    J.H. : Julie et moi jouons des présentatrices un petit peu guindées pour faire parler tout ce personnel politique. Nous nous sommes imposés le vouvoiement entre nous tous. C’est dans ce code un peu mondain que nous inventons nos plaisanteries, à la façon de Tina Fey et Amy Poehler lorsqu’elles présentent les Golden Globes. Il s’agit ensuite de laisser toute la place aux chanteuses et à leur interprétation des personnages.

    Toutes les interprètes sont des femmes. Pourquoi ?

    J.H. : C’est un peu un hasard mais dans l’équipe du Birgit Ensemble les filles non seulement chantent juste mais elles chantent très bien. Il est vrai aussi que ça nous plaisait que ce soient des femmes qui prennent la parole sur scène. Il existe aujourd’hui beaucoup de femmes humoristes mais peu s’emparent du politique. Le genre de la satire politique reste encore très masculin. C’est beau de voir qu’en tant que comédiennes et chanteuses, nous sommes capables de nous approprier ce genre.

    Propos recueillis par Olivia Burton, novembre 2022

    Le Birgit Ensemble

    Ensemble, Julie Bertin et Jade Herbulot fondent en 2014 Le Birgit Ensemble, à la suite de la présentation en 2013 au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de leur premier projet, Berliner Mauer : vestiges. Suivront Pour un prélude en 2015 puis Memories of Sarajevo et Dans les ruines d’Athènes créés au Festival d’Avignon 2017 avec lesquels se clôt leur tétralogie intitulée « Europe, mon amour » autour du passage du XXe au XXIe siècle. Toujours dans une démarche d’écriture de plateau et de recherche sur l’Histoire récente, elles présentent Entrée libre (L’Odéon est ouvert) au Conservatoire national supérieur d’art dramatique en avril 2018 – spectacle qui inaugure un nouveau cycle consacré à la Ve République française qu’elles poursuivent à la Comédie-Française avec Les Oubliés (Alger-Paris) et qu’elles prolongent en 2021 avec Roman(s) national, Douce France et Le Birgit Kabarett. En juin 2023, elle créeront au TGP J’ai perdu ma langue !, texte de Leïla Anis d’après des témoignages de famille de Saint-Denis. 

    Julie Bertin

    Après des études de philosophie, Julie Bertin entre à l’École du Studio d’Asnières, puis intègre le Conservatoire national supérieur d’Art dramatique. En parallèle de son travail au sein du Birgit Ensemble,

    Julie Bertin collabore régulièrement avec d’autres artistes. En 2018, elle met en scène Léa Girardet dans Le Syndrome du banc de touche. En 2019, elle crée Dracula, un opéra jazz jeune public, avec l’Orchestre National de Jazz, composé par Frédéric Maurin et Grégoire Letouvet. 

    En 2022, elle retrouve Léa Girardet avec qui elle co-écrit une pièce librement inspirée du parcours de l’athlète sud-africaine Caster Semenya : Libre arbitre.

    Jade Herbulot

    Ancienne élève de l’École normale supérieure, Jade Herbulot entre à l’École du Studio d’Asnières, puis au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique après un master en études théâtrales sous la direction de Jean-Loup Rivière. En 2012, elle fonde avec Clara Hédouin le Collectif 49701. Ensemble, elles ont co-écrit et co-mit en scène une adaptation au long cours des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas sous la forme d’un théâtre-feuilleton joué in situ, en extérieur. Une version filmée est disponible sur CultureBox. Elle y interprète, entre autres, le Cardinal de Richelieu. 

    Au théâtre, elle joue notamment sous la direction d’Adel Hakim La Double Inconstance de Marivaux et de Pauline Bayle Iliade d’après Homère. Elle propose également Tumulte-noir, une conférence-chantée sur Joséphine Baker, accompagnée au piano par Grégoire Letouvet.

    Grégoire Letouvet

    Pianiste et compositeur, Grégoire Letouvet se forme au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, dans les classes d’écriture, de jazz et de composition. Il écrit et arrange pour des formations allant de la musique contemporaine au jazz (quatuor Diotima, Ensemble Intercontemporain, Orchestre National de Jazz, Orchestre des Lauréats du Conservatoire, collectif Lovemusic, Orchestre de la Garde Républicaine, Louise Jallu Quartet, Surprise Grand Ensemble). 

    Ses pièces ont notamment été jouées à la Philharmonie de Paris, au Palais de Tokyo, au Festival Musica de Strasbourg, au Festival d’Automne à Paris, au Festival d’Avignon, au MUCEM, au Instants Chavirés, au Studio 104 de Radio France.

    En 2013, il crée Les Rugissants, un ensemble à géométrie variable à la croisée du jazz, du rock progressif et de la musique contemporaine. En tant que pianiste, arrangeur et directeur artistique, il a travaillé sur des disques allant du jazz à la chanson française : Ellinoa, Voyou, Leïla Martial, Sansévérino, Mathias Lévy, Estelle Meyer ou Romain Maron. 

    Auteur de plusieurs projets lyriques – dont le film-opéra Surgir ! (L’Occident) –, il travaille actuellement à l’adaptation pour l’opéra du texte Catégorie 3.1 du dramaturge suédois Lars Norén, pour une création en 2024.

    Après Memories of Sarajevo, Dans les Ruines d’Athènes, Cabaret Europe et Entrée libre (L’Odéon est ouvert), Le Birgit Kabarett est la cinquième collaboration de Grégoire Letouvet avec le Birgit Ensemble.

    Romain Maron 

    Romain Maron est un poète mélodiste. Autodidacte, ses textes ciselés donnent à entendre une langue moderne emportée par des mélodies au lyrisme assumé, teintées de jazz et de folk.

    Il autoproduit deux albums : Les Coups et les couleurs enregistré à La Fémis et Spécimens enregistré au Maverick Studio. Il tourne avec depuis 2009 en quintet ou en duo/solo dans des cafés-concerts ainsi que dans des salles de concerts.

    Il développe également une activité de parolier pour différents artistes et projets : D’humains et d’animals, l’album du tentet Les Rugissants dirigé par Grégoire Letouvet ; Dans les ruines d’Athènes (programmation officielle Festival d’Avignon 2017) pièce du Birgit Ensemble (Julie Bertin et Jade Herbulot) et Rituels et Dracula pour l’Orchestre National de Jazz.

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